Après avoir commencé à s'éloigner de ses racines folk à l'occasion de son album précédent For the Roses, Joni MITCHELL décide de s'octroyer une petite année sabbatique pour prendre le temps de réfléchir et d'analyser les possibilités octroyées par ce virement de cap.
Ses derniers disques s'étant vendus par paquets entiers, elle peut se permettre de réduire ses apparitions scéniques au strict minimum, un petit concert de charité par-ci, un petit duo avec Neil YOUNG par-là. Elle s'éloigne de la scène mais se rapproche du studio où elle passe une bonne partie de l'année 1973 : ce n'est qu'en décembre qu'elle cède aux demandes insistantes de son label Asylum Records et qu'elle le laisse sortir "Raised on Robbery" en single. Un choix payant puisque le morceau grimpe rapidement au sommet des charts, boosté par la sortie de l'album le mois suivant, le 17 Janvier 1974.

Le succès est quasiment immédiat aussi bien pour les critiques que pour le public. Le deuxième single "Help Me" entre dans le Top 10 des ventes, bien aidé par les radios qui le passent en boucle. En peu de temps, Court & Spark s'impose comme le pinacle du succès financier de son auteure, son disque le plus rentable, le plus vendu derrière Planet Wave de Bob DYLAN, sorti le même jour. Le même Dylan qui s'endort le jour où Joni lui fait écouter son album.
Il n'est pas difficile d'expliquer le succès de Court & Spark : en une seule année, Joni s'est métamorphosée, laissant derrière elle ses habits de folkeuse un peu hippie sur les bords pour embraser pleinement un son jazz/pop. Ses prochains albums feront mieux en laissant justement de côté l'aspect le plus pop de sa musique, mais en attendant, c'est ce qui lui permet de plaire au plus grand nombre. Il contient des moments de brillance comme "Raised on Robbery", un morceau génial que l'on pourrait écouter en boucle, mais à côté de ça, elle se laisse aller à la facilité. Ce qui n'est pas un mal, entendons-nous bien, mais ça a un effet chewing-gum : agréable les cinq premières minutes, sans goût après. Même les textes sont moins recherchées, "Help Me" et "Free Man in Paris" sont d'une simplicité déconcertante face à "Blue" ou "Woodstock". Pour les arrangements musicaux, elle fait appel au groupe L.A. EXPRESS, surtout connu pour avoir posé les premières pierres de ce qui deviendra le smooth jazz -genre honni par excellence-.

Aussi sympathique soit-il, Court & Spark est surtout resté dans les mémoires à cause de son succès. Lorsqu'on l'écoute individuellement, il est passable. Un bon disque de jazz-pop des années 70, quelques bons morceaux, le reste pas vraiment mémorable. Mais pris dans l'ensemble de la discographie mitchellienne, il apparaît faible, raccourci de tout ce qui fait le charme de son auteure, et putassier : rendez-vous dans un an pour le grand retour en forme !