Abacab marque la rupture du son, pas celle du style. GENESIS a toujours fait des pop-songs au milieu de morceaux plus exigeants, et il continuera ainsi. Par contre, si Duke, au moyen d'une poignée de morceaux conservait un lien concret avec les années 70, avec Abacab, c'est la rupture presque totale. Presque... C'est tout juste si l'intro d'un titre comme "Another Record" (un passage qu'on ne cite jamais) rappelle avec son magnifique piano CP-70 les riches heures d'And Then There Were Three ou de A Curious Feeling (premier album solo de Tony BANKS), car le morceau vire après vers un style plus pop-soul.
Ce titre a été facilement oublié car les titres qui semblent les plus "normaux", finissent au fil du temps par être les curiosités d'Abacab, même si ce n'est pas ce qui surprend à la première écoute. Pour cela, il y a "Keep it Dark", le barjo "Who Dunnit ?" et bien sûr la chanson "Abacab". Je les trouve toutes les trois excellentes avec leur batterie tranchante et ces sons bourdonnants de synthés, mais c'est surtout cette dernière, qui devait faire huit minutes au départ avec une partie instrumentale encore plus dense (qu'ils joueront en concert) qui a toute ma reconnaissance. Le morceau le plus progressif et puissant reste "Dodo/Lurker", une pièce maîtresse pas si évidente encore une fois à cause des (ou grâce aux) sons.
La force du GENESIS d'alors tient en partie à un retour presque complet aux jams sessions qui font jaillir toutes ces chansons et tous les hits à venir. Seules trois compos solo ont été gardées, une par membre : la jolie ballade "Like it or Not" de Mike RUTHERFORD, le "Me And Sarah Jane" (par moments presque reggae) de Tony BANKS et surtout le "Man on the Corner" de Phil COLLINS, avec ce qui fait la caractéristique du son du batteur-chanteur, une boîte à rythmes, des nappes envoûtantes et un final puissant.
Album très décrié, j'avoue que pendant longtemps il m'a laissé perplexe (surtout à cause des cuivres sur le pourtant très bon "No Reply at All"), le seul dans ce cas parmi tous les albums du groupe.
Tout est rentré dans l'ordre aujourd'hui !