Avec le rythme de parution et la forme tenue depuis 1993, on aurait pu penser qu'après 2000 Gurus, le groupe de krautrock GURU GURU allait sortir un nouvel album peu de temps après. 2 ans, peut-être 3, mais finalement il a fallu attendre 2005 pour que la bande à Mani sorte du neuf. Pas grave tant que la qualité est présente, les fans hardcore pouvant toujours se presser au festival de Finkenbach.

GURU GURU, cependant actif, sort In the Guru Lounge au nom plus inspiré que le précédent album. Ce qui est le plus remarquable, en premier lieu, c'est sa durée. En effet, In the Guru Lounge, du haut de ses 71 minutes, est l'album studio le plus long de GURU GURU ! Même dans les années 90, lorsque le vinyle finissait de crever, le groupe n'avait jamais fait plus long que 45 minutes. Et là, on tient l'équivalent d'un double album vinyle. Si on voit le verre à moitié plein, on se réjouit d'avance d'une abondance musicale et d'une inspiration exubérante. Ou bien on peut être lucide et craindre un amoncellement de morceaux plus dispensables les uns que les autres, noyant le meilleur dans un océan de 'bien sans plus'. Un double-album typique, en somme.

Et quand on est pessimiste, on a raison la plupart du temps. Autant parler tout de suite de la pierre d'achoppement : la "Guru Lounge Suite". Séparée en 7 parties de durées inégales, elle occupe plus de la moitié de l'album. Mani Neumeier y renoue avec ses racines jazz, ce qui n'est pas un mal en soi, mais le résultat n'est pas enthousiasmant. Ou plutôt, disons que si l'on n'est pas habitué au genre, certains passages paraissent franchement pénibles, ou au moins simplement ennuyeux. Et ce n'est pas dit que des experts du genre puissent y trouver leur compte, tant la musique paraît trop monotone plus d'une fois. Accessoirement, on retrouve aux vocalises Lisa Kraus qui avait déjà chanté pour GURU GURU à la fin des années 80.

Du coup, on a envie de se tourner ailleurs, vers le reste de l'album par exemple. Ça tombe bien, c'est là que se trouve le meilleur de In the Guru Lounge. A la différence de 2000 Gurus, l'album se focalise sur une musique plus rock, plus centrée vers l'Europe. Ce qui ne l'empêche pas de toujours garder un œil sur le monde. Sur une musique entraînante et pertinente en ouverture, "Tokyo Girl", par son échange vocal avec Etsuko Watanabe, ouvre bien les hostilités. Si GURU GURU est connu pour son amour de l'Afrique et de l'Asie, il voit aussi l'Amérique, celle des 'Native Americans', avec un "Pow Wow" de qualité. In the Guru Lounge, c'est aussi l'occasion d'entendre une version studio de "Kleines Pyjama", déjà joué sur scène depuis des années, mais qui bénéficie ici d'un son logiquement plus travaillé, lui rendant honneur. Enfin, "Mexikaner" conclut le tout sur une note enjouée et délirante.

Si l'album ne contenait pas la "Guru Lounge Suite", nul doute qu'il serait une nouvelle perle de la discographie de GURU GURU. L'album aurait été plus court que la normale, mais au moins très jouissif. Tant pis! Au pire, GURU GURU continue d'être un groupe nanti d'une forme plus qu'exceptionnelle, et même intrigante tant le groupe dame le pion à bien des formations contemporaines, en terme d'énergie à revendre.