Après avoir donné une claque à ses vieux fans avec Mani und Seine Freunde (1975), le batteur Mani Neumeier confirme la nouvelle direction prise par GURU GURU dès l'année suivante, avec Tango Fango. En passant, une partie du précédent line-up est gardée, notamment Ingo Bischof aux claviers, et introduit également le guitariste Roland Schaeffer qui, à l'heure où j'écris ces lignes, est encore membre du groupe. Le tout forme un groupe à l'effectif plus resserré et orienté vers une musique formellement plus rock. Signalons également le retour chez Brain, ainsi que la réutilisation du studio de Conny Plank, malgré l'absence de ce dernier à la production.

Tango Fango n'hésite pas en effet à faire pleuvoir les sonorités et les mélodies. Fini le krautrock, bienvenue dans un jazz-rock mâtiné de world music et s'éloignant quelque peu du pays de Goethe. GURU GURU prend des couleurs, que cela plaise ou non. À ce propos, est-ce que l'album est une réussite ? La réponse est indubitablement oui. Tango Fango n'offre pas de raison particulière d'être ignoré, si ce n'est par les allergiques aux musiques latino. Un bon test de compatibilité serait d'ailleurs le morceau-titre, certainement le plus facile à retenir. Mélangeant des éléments typiques d'un tango et d'autres relevant de la patte GURU GURU, il parvient à bien marquer l'auditeur en alternant mouvements calmes et parties rapides avec soli de guitare et saxophone en prime. Une alchimie détonante en somme, bien qu'elle ne soit pas des plus fédératrices, il faut l'avouer.

Le reste n'est pas aussi catchy, cependant il n'en reste pas moins bon. "L. Torro" séduit par son ambiance crépusculaire, ce qui constitue un contraste avec le facile mais amusant "Banana Flip", qui pèche peut-être par une longueur excessive. En revanche, que dire de "Das Lebenige Radio" ? On serait tenté de lui jeter la pierre pile entre les yeux, à l'instar de "Woodpecker's Dream" sur l'album précédent. Sauf que ! Le délire est mieux maîtrisé, avec des sous-parties délirantes et réellement drôles. Le morceau se finit même sur une version allemande de "Johnny B. Goode", le tube de Marty McFly, qui ne fera tiquer que les puristes germanophobes.

Il n'y a pas grand-chose de plus à dire sur Tango Fango, à moins d'être un spécialiste ès musiques du monde et décrypter chaque influence, chaque reprise. GURU GURU continue au passage son chemin sans réelle encombre, et suit ses envies plutôt que de faire plaisir au premier réfractaire venu. Une opération assez casse-gueule, mais payante, aussi bien sur cet album que le suivant, j'ai nommé Globetrotter.