Après des années 80 plutôt pauvres en sortie, les frappadingues de GURU GURU se mettent à nouveau en sommeil. Une nouvelle pause s'impose, motivée une fois de plus par les projets solo de son leader, Mani Neumeier. Mais en cette merveilleuse année 1993, voilà que GURU GURU revient dans les bacs, avec un nouvel album studio complètement inédit. Chouette alors !

Baptisé Shake Well, le 13ème album de GURU GURU propose un format à la fois plus classique et plus déjanté, avec un quatuor rock des plus basiques. Ainsi, Hans Reffert est le seul rescapé de la précédente incarnation du groupe (en plus de Neumeier bien sûr), tandis que les nouveaux venus Luigi Archetti (guitare) et Razem Rübel (basse) débarquent. Ce dernier s'occupe également du chant, l'album étant orienté pop-rock. D'ailleurs, il convient de l'annoncer directement : Shake Well ne s'adresse pas aux nostalgiques de la période krautrock de GURU GURU, et n'a également rien de jazz. Il s'agit donc d'emblée d'un album plus simple, peut-être même commercial et donc vide, ajouteraient certains. Vraiment ?

On ne va pas se mentir, Shake Well est en effet plus radio-friendly. En dehors du court jam "Fräulein Doktor" et du costaud "Space Baby", les morceaux ne dépassent pas les quatre minutes réglementaires, et a priori arborent des ramages qui se prêtent plus volontiers aux oreilles peu difficiles. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont mauvais ou simplement médiocres : GURU GURU montre qu'il sait faire de la bonne pop, notamment lors de la première moitié de l'album.
Ce dernier commence d'ailleurs sur les chapeaux de roue avec "Reality", au rythme efficace et qui accroche l'oreille, en somme c'est une bonne ouverture. Plus loin, "Mystery Train" rappelle le rock'n'roll mâtiné de country, ce qui n'est pas désagréable à écouter ici. GURU GURU offre également le rock brûlant "Desire", au son rutilant et percutant comme il faut. Les fans de blues ont pour leur part plus d'affinités avec "Pretty Girl", même si cette chanson n'invente pas du tout l'eau chaude, loin de là.

Cependant, en plus de quelques scories malheureuses ("I Want You", "Teddy Bear"), Shake Well montre qu'il n'est pas un album de GURU GURU pour rien. Ainsi, "Fräulein Doktor" l'expose tel une bête déchainée, alors que le dernier tiers renvoie aux racines world du groupe. "Monkees Dance" fait la part belle aux talents multiples de Neumeier (notamment aux percussions), et "Mimpi Mani's" éblouit l'auditeur pour la dernière fois avec un orientalisme loin d'être de pacotille. Voilà donc de quoi rassurer ceux qui jusque là étaient complètement réfractaires à ce que proposait le quatuor teuton dans sa livraison de 1993.

Shake Well est un bon retour, c'est une évidence. Cela dit, il s'agit quand même d'un album mineur dans la discographie de GURU GURU, et sa musique n'y jouit pas d'une originalité folle, il faut l'admettre. Le chant de Rübel ne ravit pas les suffrages, la faute à une voix bien trop générique pour plaire. D'ailleurs, l'ami Mani va reformer par la suite ses troupes, pour un résultat qui sera clairement supérieur.