2000 Gurus. Pas la peine de s'attarder sur ce titre fou et original, n'est-ce pas ? Oui amis lecteurs, on va passer à autre chose. Comme le fait que pour la dernière année du IIème millénaire, le groupe, toujours en forme, sort un 19ème album studio que l'on espère forcément bon. Pas seulement parce que GURU GURU est une ancienne référence du krautrock, mais aussi parce que tous les albums sortis durant les années 90 rivalisent de qualité et de talent. Bon, peut-être pas Shake Well (1993), ne serait-ce qu'à cause de son style plus pop-rock, mais quand même. Et puis, comme on dit, jamais deux sans trois, si ?

Fort heureusement, le groupe de Mani Neumeier reste constant et livre avec 2000 Gurus un nouvel opus remarquable par sa qualité. Toujours talentueux, toujours prêt à s'enrichir culturellement, toujours partant pour innover. Et ce n'est pas rien de le dire pour l'opus de l'an 2000, puisque l'album est, pour commencer, le plus 'world' jamais conçu par GURU GURU, ou du moins depuis Globetrotter (1977). Mani et ses potes piochent ainsi dans les musiques africaines, aussi bien du côté le plus noir du continent que vers les côtes méditerranéennes. Autre innovation, l'incorporation d'éléments électroniques. Outre les claviers depuis le milieu des années 70, GURU GURU a parfois utilisé des batteries électroniques (surtout dans les années 80), glissé quelques effets électroniques de manière sporadique par moments. Mais sur 2000 Gurus, le groupe n'a aucune hésitation à injecter dans sa musique une boîte à rythme, au milieu de bien des percussions acoustiques, ou bien des nappes de claviers à la fois discrètes et décisives.

Dans les faits, ça donne 7 morceaux pour 42 minutes de musique de très haute qualité. Avec quand même des défauts remarquables. Ainsi, le morceau-titre qui ouvre l'album pèche non par le nagaswaram de Roland Schaeffer qui prend beaucoup de place, mais parce que 7 minutes, c'est un poil excessif, surtout au vu de la musique assez répétitive. Le même défaut frappe "Blue Space", encore plus long, mais l'ambiance lounge compense plutôt bien, et en guise de final, ça passe comme une lettre à la poste. Entre les deux, c'est le festival de morceaux d'anthologie, ou du moins qui ont le potentiel de l'être. "Galactic Human" capte en effet un GURU GURU au-dessus du sol, avec des accords de guitare tapissant avec brio une musique très évocatrice, appelant au voyage sans racoler une seule seconde. On se surprend également à être saisi dans la chaleur de la nuit urbaine de "Night Birds" avec sa guitare rejouée à l'envers, apportant cette touche d'étrangeté bienvenue. Et avec "Marabut", GURU GURU sort le morceau le plus africain de sa discographie, qui donne vraiment envie de creuser le sujet si riche et pourtant si mal connu de la musique du continent noir.

Au crépuscule d'une ère, GURU GURU se trouve toujours dans un train qui n'est pas prêt de cesser et qui continue de mener Mani et ses potes dans des contrées musicales de haute qualité. À chaque sortie depuis 1995, on pourrait se dire que le groupe, sans pour autant arrêter les frais, pourrait lever durablement le pied sans qu'on y trouve quelque chose à redire, et chaque fois il revient très vite avec un nouvel excellent opus sous le bras. 2000 Gurus ne fait pas exception à la règle. Cela dit, l'inspiration, aussi riche et prégnante soit-elle à sa sortie, peut-elle vraiment durer longtemps ?

Oui, nous répondra In the Guru Lounge.