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Charles MINGUS - Pithecanthropus Erectus (1956)
Par JUAN le 1er Juin 2008          Consultée 6180 fois

Par où commencer quand on aborde un artiste pareil? Quel album choisir? Des questions en apparence simples et qui pourtant reviennent souvent lorsque l'on désire commencer avec un artiste. Et ce sont ces mêmes questions que l'on se pose pour Charles Mingus. Et à ces deux questions je n'apporterai qu'une seule réponse : Pithecanthropus Erectus. Premier enregistrement majeur chez Atlantic pour le contrebassiste, il définit les bases de son style si particulier et si personnel. Grand amoureux de la période des big bands et en particulier de Duke Ellington, il forme ce qu'il appelle un "Workshop", un atelier de travail musical où ses talents de compositeur et de chef d'orchestre font miracle, en plus de son jeu de basse très particulier.

Mais revenons maintenant à l'album. Si à la vue du titre et de la pochette vous ne commencez pas à comprendre la folie (musicale j'entends) de Mingus, il ne vous reste plus qu'à mettre le disque dans la chaîne hi-fi (ou dans le bon vieux tourne-disque) et à écouter le premier morceau, premier grand classique de l'homme. Une basse agile se faufile entre des cuivres félins, prêts à bondir sur leur proie. Mais qui est donc cette proie que le groupe semble traquer? Dès la dixième seconde, vous comprenez : c'est sur vous que les deux saxophones prédateurs se jettent. Puis la musique repart. Elle semble vous guetter, tourner autour de vous, essayant par moment de vous surprendre ou de vous effrayer par un assaut rapide, efficace. Puis elle reprend de plus belle.
Si le début ressemble à une chasse dans la jungle, le reste du titre également, du piano agile jusqu'aux hurlements de saxophones préfigurant avec quatre ans d'avance les premières folies du free. Et même si cela n'est pas évident, force est de constater que ce titre est construit sur un enchaînement thème/improvisations/thème des plus classique. Et pourtant, quelle efficacité!

Le second titre est tout aussi excitant. Une reprise de Gershwin, A Foggy Day. Mais ne vous attendez pas à retrouver une fidèle interprétation du morceau, il n'a presque plus rien à voir avec l'original, sûrement à cause de ces effrayants glissements de basse, de ces cuivres une fois encore en avance sur leur temps : écoutez les premières secondes, contrebasse grinçante, batterie folle, sifflements, saxophones délirants, aucun doute n'est laissé à l'auditeur, c'est du free jazz, ni plus ni moins. La suite du titre est tout aussi bonne, les interactions entre les instruments toujours aussi bien coordonnées par le chef d'orchestre qui livre ici une deuxième perle. Dommage que le suivant, Profile Of Jackie, ne soit pas du même niveau. Ce n'est pas un mauvais titre en soit, mais le côté classique, gentil au milieu de ces monuments de rage orchestrée et cette impression de ne pas se dévoiler entièrement font qu'il n'a pas vraiment sa place ici.

Le dernier titre, bien que meilleur que le précédent, ne possède pas non plus cette petite touche de folie qui anime les compositions du début, le piano mis à part. Ici, il embellit le morceau par petites touches, ponctuant le thème ,un peu trop long à se développer, d'interventions tantôt agiles et insidieuses, tantôt lourdes et frappantes. Et que dire de ce magnifique solo au milieu du morceau... Le reste des instruments est d'une bonne qualité également, mais n'arrive pas à ce même niveau, ce niveau où la musique décolle, où elle devient matière sonore qu'il faut battre immédiatement avant qu'elle ne refroidisse, ce niveau que tous les musiciens recherchent et que peu arrivent à atteindre. Et Mingus lui y arrive dès cet enregistrement, au tout début de sa carrière.

En conclusion, même si l'on retrouve les symptômes de cette maladie qui touche les premiers essais dans le monde de la musique, celle qui les empêchent, à cause de certaines compositions d'un niveau inférieur, d'atteindre la maturité qui caractérise en général les œuvres plus tardives, Pithecanthropus Erectus demeure un excellent album, à l'image de son géniteur, à la fois violent et généreux. Un album qui prend racines dans le passé du jazz pour en écrire l'avenir. Et de cette maladie dont je vous parlais plus tôt, le contrebassiste va très bientôt guérir...

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   JUAN

 
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- Charles Mingus (contrebasse)
- Jackie Mclean (saxophone alto)
- J.r.montrose (saxophone ténor)
- Mal Waldron (piano)
- Willie Jones (batterie)


1. Pithecanthropus Erectus
2. A Foggy Day
3. Profile Of Jackie
4. Love Chant



             



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