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INDOCHINE - Paradize (2002)
Par DARK PANDA le 10 Novembre 2010          Consultée 9011 fois

Ne tergiversons pas, TOUT LE MONDE connaît Paradize (sauf si vous avez moins de huit ans, ce qui est improbable, ou que vous êtes allé faire du tourisme sur Pluton à sa sortie, ce qui l'est encore plus). Son premier single "J'ai demandé à la lune", écrit par le chanteur de Mickey 3D, Mickaël Furnon (je sais, c'est linguistiquement redondant), a assiégé radios et chaînes musicales télévisées durant une bonne partie de l'année 2002, date de parution de la galette. Pour autant, beaucoup s'accordent à dire que le morceau n'est ni révolutionnaire, ni représentatif du style INDOCHINE. Beaucoup ont raison. D'un autre côté, il ne faudrait en aucun cas résumer Paradize à "J'ai demandé à la lune", tube par ailleurs brillant, car le plus intéressant n'y est pas. Paradize est en effet un album complet et entier. Complet parce qu'il exploite son thème - une mélancolie à la fois effrayante et poétique - et son style - le rock - de manière totale, à travers une volonté musicale jusqu'au-boutiste. Entier, parce que le travail qui en émerge constitue un ensemble de quinze morceaux homogènes dans leur qualité et cependant pluriel dans les voyages auxquels il nous invite. Et je sais que complet et entier sont des synonymes, mais je m'en fous.

Alors qu'est donc plus exactement Paradize ? Et bien c'est un OVNI (sauf qu'il ne vole pas, en fait). Parce qu'il dépoussière d'un coup le rock français - on a eu depuis SUPERBUS et BB BRUNES, mais si ces gens faisaient du rock, ça se saurait - en proposant tout simplement une musique jouissive, à la fois authentique dans sa sincérité et riche dans ses influences : les riffs d'un rock puissant et accrocheur ("Punker", "Marilyn", "Popstitute") y avoisinent des arrangements électroniques extraordinaires ("Paradize", "Electrastar", "Dunkerque") et des tendances post-rock assumées (les longues parties instrumentales et atmosphériques de "Marilyn" ou encore du "Manoir"), avec une grande intelligence et une rare cohérence.
INDOCHINE oblige, le tout est en outre recouvert de paroles en langue de Molière, limitées ou d'un bel ésotérisme suivant les goûts de chacun. Ce dernier aspect mérite son pesant de cacahuètes lorsqu'on sait que peu de groupes rock français ont marqué leur discipline en osant employer leur langue d'origine - NOIR DESIR bien sûr, mais aussi ANGE et TELEPHONE. Bref, à sa sortie en 2002, l'album se révèle être une bouffée d'air frais, le subtil mélange entre un Nicola vieillissant mais bonifié par le temps (pour l'expérience du groupe, tout de même né en 1981) et un Kiss Cool new look (pour la veine moderne distillée par le souffle rock et les arrangements high-tech).
Les ventes explosent, évidemment, mais plus important encore, INDOCHINE opère avec succès l'un des plus importants virages de sa carrière : après avoir exploré le pop-rock avec L'Aventurier, la new-wave avec le sublime Péril Jaune et des tendances glam/goth sur Danceteria, le combo, amputé de Stéphane Sirkis - mort prématurément en 1999 - mais enrichi du guitariste et arrangeur Oli de Sat, révèle en 2002, après une longue traversée du désert, une alchimie musicale épatante, d'une fureur jusqu'alors inégalée dans sa discographie. Il fallait sûrement cette débauche d'énergie pour voir INDOCHINE à nouveau encensé par la critique médiatique, elle qui avait dénigré le groupe durant toute la décennie des 90's.

Mais Paradize a cela de grand qu'il arrive à se situer au-delà des points de vue partisans. Du moins, c'est mon avis (hé hé). L'heure et quart de la galette constitue un élément fort de compréhension : il illustre le fait qu'INDOCHINE prend son temps afin de déployer toutes les strates de sa musique. Deux exemples pris au hasard attestent de cette entreprise : l'épaisse conclusion d'"Electrastar" tout d'abord, qui répète un rythme en boucle de manière lancinante durant ses deux dernières minutes, sans aucune variation. Ce qui permet à l'auditeur de mettre en perspective d'une part la musique - sa redondance constitue une réussite d'hypnotisme - et de l'autre les paroles - écrites par Nicola en mémoire de son frère jumeau décédé, et qui brillent d'une tristesse magique. "Popstitute", le second exemple, prouve quant à lui la richesse musicale qu'instaure INDOCHINE dans chacun de ses titres. Son introduction rapide fait explicitement état de tous les niveaux mélodiques qu'elle contient, à savoir une ligne initiale et solaire de guitare électrique, approfondie ensuite par le riff incisif d'un second instrument à corde, lui-même rapidement rejoint par un bidouillage électro et jubilatoire exécuté en boucle, qui fonctionne une nouvelle fois en exhausteur de saveurs. Trois airs entremêlés donc, qui auraient pu créer, semble-t-il, trois morceaux différents mais qui se jouxtent ici dans une seule et unique pièce, consolidant du coup la puissance et l'esthétisme de celle-ci.
Les constructions de Paradize s'avèrent ainsi gorgées d'inventivité, abondantes de sonorités, et en cela jamais frustrantes. C'est sûrement ce mélange astucieux et bigarré qui fait de l'album un objet intarissable : ses quinze morceaux fonctionnent à peu près sur le même schéma, en ce sens qu'ils ne se limitent jamais à une ligne monochrome.

L'autre grande réussite de Paradize, c'est son rock totalement débridé nourri d'inspirations prodigieuses. Ici, les quelques notes de guitare électrique du pré-refrain de "Punker" claquent sous forme de décharges fuyantes, illustrant un rock incisif et authentique. Plus loin sur "Dunkerque" ou "Like A Monster", la musique ralentit et s'épaissit pour délivrer des volutes de rock électronique. Les airs grondent et s'assombrissent, reflétant soudain l'influence d'un véritable métal industriel. Aspect que l'on rencontre à nouveau sur la lourde ligne de guitare utilisée sur "Marilyn", justement empruntée au "Rock Is Dead" de MARILYN MANSON. Noyées au sein de ces tourments énergiques, les ballades "Le Manoir" ou "Dark" s'enfoncent encore plus profondément dans l'univers sombre de l'album, au travers d'un chant aussi déchirant que tourmenté et d'une musique aux airs solennels, suintante de cordes hantées et de percussions irréelles. Le dernier morceau, "Un Singe en Hiver", est finalement salvateur : toujours aussi mélancolique dans sa musique et son écriture, il déploie cependant un air légèrement plus enthousiaste et une mise en abime de toute l'oeuvre d'INDOCHINE à travers ses paroles. Une originalité qui a le bon goût de clôturer l'album de la meilleure des manières.
Comble du bonheur, INDOCHINE réussit aussi à surprendre l'auditeur grâce à de véritables trouvailles musicales : une rengaine soudaine à la guitare sèche (la fin de "Mao Boy"), un original chant en canon (les dernières lignes de "Dark") ou un piano envoûté ("Un Singe en Hiver"), autant d'exemples qui assoient toujours plus l'adresse et la subtilité des compositions. Et qui transforment le statisme initial des chansons en source de vie, en âme touffue.
Certains maudiront Nicola Sirkis d'avoir recouvert cette musique de paroles aussi niaises et indigestes. C'est qu'ils n'auront pas compris la force de son chant qui réside à la fois dans l'ésotérisme poétique de ses textes et la fragilité lyrique de son timbre de voix.

Paradize est donc un grand album, de ceux qu'on n'oublie pas. Si les titres y possèdent tous un univers bien marqué, ils restent cependant sous-tendus au même rock flamboyant et à la même créativité, d'où une cohérence extraordinaire. La douceur satinée du "Grand secret", la lugubre mélancolie du "Manoir", l'hymne guitaristique "Popstitute" ou encore le ténébreux poème "Dark" montrent à quel point INDOCHINE s'est donné corps et âme dans l'élaboration de son paradis. Un paradis torturé, à l'image du chant blessé de Sirkis, des cordes souvent hurlantes des instrumentistes et du manteau électronique, aussi pénétrant qu'électrisant, qui habille chaque morceau (et qui est dû, il faut le signaler, à un formidable travail de production).
Nicola Sirkis avait promis à son frère jumeau de passer le cap de l'an 2000 avec INDOCHINE. Non seulement il a réussi cet exploit dans les faits, mais aussi avec les honneurs : INDOCHINE brûle encore et toujours aujourd'hui, dix ans plus tard. Ce qui porte désormais le groupe à trente ans de carrière et fait ressembler le chemin parcouru à un labyrinthe musical, aussi foisonnant qu'envoûtant. Paradize, détour rock magique et désenchanté, est l'un des couloirs perdus qu'il vous faudra absolument arpenter afin d'appréhender la richesse du groupe.

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   (3 chroniques)



- Nicola Sirkis (chant, composition principale)
- Boris Jardel (guitare principale)
- Oli De Sat (guitare rythmique,arrangements)
- Marc Eliard (basse)
- Matthieu Rabaté (batterie)
- Frédéric Helbert (claviers)


1. Paradize
2. Electrastar
3. Punker
4. Mao Boy
5. J'ai Demandé à La Lune
6. Dunkerque
7. Like A Monster
8. Le Grand Secret
9. La Nuit Des Fées
10. Marilyn
11. Le Manoir
12. Popstitute
13. Dark
14. Comateen
15. Un Singe En Hiver



             



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