Cette chronique a une longue histoire : après avoir trouvé le CD le jour de sa sortie, en mars, pour l’écouter dans l’avion qui m’emmenait à New-York, j’avais alors écrit quelques lignes. Puis, au fur et à mesure du voyage dans les Etats du Sud, je voyais la pochette partout, jusqu’à Nashville, LA ville de Johnny CASH, avec son musée et toutes les boutiques qui l’affichaient, et même dans le Ryman Auditorium. C'est là que l'on constate que The Man In Black est une énorme star, adulée dans son pays malgré sa disparition, depuis plus de dix ans, qui n’a fait qu’amplifier cet engouement.

Le 'nouveau' Johnny CASH est en réalité un des albums oubliés dans un tiroir par une maison de disques? qui ressort, souvent opportunément, soit après le décès de l’artiste, soit pour relancer les ventes quand les Best of ou autres Essentials commencent à lasser. Enregistré entre 1981 et 1984 dans les studios de Nashville et Los Angeles, il avait été bloqué par sa maison de disque Colombia (ce qui en dit long sur la compétence de celle-ci) quand on écoute le résultat. Marty Stuart et Buddy Miller ont été embauchés pour refaire les pistes de guitare afin de 'sonner mieux'.

Contrairement à la série des American Recording où sa voix usée est au bout du rouleau, on retrouve ici le Johnny des grandes années pour douze chansons dont deux duos, l’un avec son épouse June, l’autre avec l’outlaw Waylon JENNINGS. La musique, les paroles, le personnage expriment toujours une forte mélancolie, pas d’explosivité comme chez ELVIS, ni de folie comme chez Jerry Lee LEWIS, mais une gravité, une sorte de fatalité des gens qui ont traversé de sacrées épreuves et qui s’en sont sortis en y laissant des plumes.
"She Used To Love Me A Lot" est le morceau phare, on a d’ailleurs en fin de CD une version remixée par Elvis COSTELLO, qui n’apporte pas grand-chose, mais le binoclard a tendance à jouer le Phil COLLINS des années 2000, en fourrant son nez un peu partout. Dans ce titre, la voix crépusculaire de CASH est sublime, et si d’autres morceaux sonnent résolument country comme son duo avec June, on ne peut pas limiter le chanteur à cet univers musical car une émotion forte et profonde se dégage de ses morceaux.

Ce disque n’est pas un recueil d’outtakes mal foutus et en chantier mais propose un ensemble cohérent de chansons. Certes, il n’est pas du niveau des grandes compositions de Johnny, mais un "Call Your Mother" ou encore mieux "Tennessee", qui évoque l’état où il vit, sont particulièrement réussis. Et puis, on a le sautillant "I Drove Her Out Of My Mind" et le "Rock And Roll Shoes" qui, à chaque écoute, me font penser à la paire de bottes de Johnny exposée dans son musée à Nashville.

Ce disque m’a accompagné sur les routes américaines, il est devenu un copain, un compagnon de route qui sait se rendre indispensable.

Des albums inédits de ce genre, on en écouterait tous les jours.