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Johnny CASH - Bitter Tears : Ballads Of The American Indian (1964)
Par AIGLE BLANC le 27 Septembre 2015          Consultée 3125 fois

20ème opus de Johnny CASH, Bitter Tears : Ballads of the American Indian est aussi son 3ème album concept, après Ride This Train (1960) et Blood, Sweat and Tears (1962).
Le chanteur-songwriter lui doit sans-doute sa réputation d'artiste engagé et contestataire. Les D.J de l'époque, rétifs à passer le single "Ballad Of Ira Hayes" sur les ondes, il a fallu l'intervention de Johnny CASH les bousculant dans leurs scrupules pour que dépassant leur peur ils fassent preuve d'un peu de courage. C'est dire le brûlot en puissance que fut le disque en son temps. Et ses efforts ont payé : en 1964, cet album atteint la 2ème place des charts de la Country Music et la 47ème de ceux de la Pop Music.

C'est le concept inhérent à l'opus qui lui vaut son caractère controversé : Bitter Tears... est entièrement consacré à la cause des Amérindiens dont il relate en huit chansons des aspects tragiques de leur génocide par l'homme blanc.
Au-delà du courage indéniable de J. CASH qui court le risque de s'aliéner une bonne partie de son public countryphone en égratignant sérieusement son patriotisme, force est de reconnaître que le premier mérite en revient à Peter LA FARGE. Ce chanteur songwriter folk sort en 1963 un album très spécial, Peter La Farge Sings of The Indians dans lequel il relate l'histoire des Indiens d'Amérique. Cet album a servi de vivier à un J. CASH au flair infaillible dès qu'il s'agit de repérer les chansons exceptionnelles des autres qu'il s'approprie toujours avec une classe inimitable. C'est ainsi que pas moins de 5 chansons de LA FARGE se retrouvent dans Bitter Tears..., soit plus de la moitié du disque.

La démarche de J. CASH ici est motivée par un doute concernant ses racines : il pensait avoir du sang Cherokee dans les veines. Une investigation sur ses origines et sur l'histoire de cette tribu indienne lui dévoile la sordide réalité d'un conflit dans lequel sa patrie a bafoué tous les codes de l'honneur jusqu'à l'indignité. La colère qui en a résulté, de l'aveu-même du chanteur, a servi de principal carburant lors des sessions d'enregistrements.
Plus tard, l'homme en noir a découvert que ses seules origines étaient anglaise et écossaise.

Le seul single extrait de l'album, la triste "Ballad of Ira Hayes", s'est classé 3ème dans les charts Country. La chanson de LA FARGE raconte le parcours tragique du jeune Ira Hayes, l'un des vingt-sept rescapés de la bataille d'Iwo Jima. Il devint célèbre parce qu'il figure sur la photo iconique montrant quatre marines (dont Ira Hayes fait partie) en train de hisser le drapeau américain après la prise du mont Iwo Jima. A son retour aux USA, il fut acclamé en héros, mais il n'était qu'un Indien Pima. L'homme blanc ayant volé la terre et l'eau de ses ancêtres, il n'avait aucun foyer pour l'accueillir et faire résonner sa gloire. Alors, il tomba dans l'enfer de l'alcool, fit des séjours en tôle et mourut dans l'anonymat et la pauvreté, dans la réserve de Gila River où il était né. Toute ressemblance avec un épisode du beau film que Clint EASTWOOD a consacré à la bataille d'Iwo Jima n'est pas fortuite. Le cinéaste américain a relaté lui aussi le parcours tragique de ce marine dont la seule tare provenait de ses origines indiennes.
La guitare lancée sur un rythme sautillant indéfectible est contrebalancée par les choeurs de la famille Carter qui distillent une secrète mélancolie, le temps du refrain. J. CASH quant à lui déclame cette histoire de sa voix grave habituelle avec une retenue et une fausse neutralité qui marquent pourtant les étapes douloureuses de la vie d'Ira Hayes. Au début et à la fin, retentit l'hymne américain, mais en sourdine, à travers le souffle effilé d'une trompette solitaire, comme mort-né.

Les autres chansons de LA FARGE sont interprétées suivant le même principe : une guitare acoustique rythmique dans le ton bucolique, le chant mi-parlé de J. CASH et les choeurs harmonieux de la famille Carter. "As Long As The Grass Shall Grow", qui ouvre l'album, est le titre le plus ouvertement à charge. C'est ni plus ni moins qu'un condensé de l'histoire programmée de la défaite des Indiens Iroquois. La structure de la chanson est particulièrement pertinente. Tandis que les couplets narrés par J. CASH énoncent toutes les promesses de Paix faites par l'homme blanc aux Indiens Senecas, le refrain chanté et soutenu par le choeur féminin entonne une plainte triste comme la mort qui rappelle qu'aujourd'hui aussi longtemps se dressera la lune, aussi longtemps coulera la rivière, aussi longtemps brillera le soleil et tant que l'herbe poussera, la réserve des Iroquois restera plongée dans le désespoir parce que le traité de Washington a été violé par l'homme blanc sans aucun espoir que ce dernier répare sa faute. Quelle chanson poignante !

Dans "Custer", la basse si caractéristique de Marshall Grant soutient avec un entrain sautillant le chant presque parlé de J. CASH qui se laisse aller parfois à des départs de rire qu'il retient in extremis et qui ponctuent efficacement le ton sarcastique de ce portrait sans appel du Général Georges. A Custer. Les paroles jettent un éclairage sur l'une de ses défaites cuisantes contre les Indiens. La virulence du propos est renforcée par le choix judicieux d'adopter le point de vue amérindien. La moquerie constante sur la déplorable façon du général de monter à cheval, récurrente dans le refrain, s'en trouve d'autant plus décuplée. Voilà un pamphlet plein d'humour et de verve : fort réjouissant.

Selon sa coutume, Johnny CASH livre dans cette galette trois titres de son cru qui n'ont rien à envier à ceux de Peter LA FARGE : "Apache Tears" exsude un climat tragique que la guitare acoustique du chanteur scande par ses pulsations évoquant le rythme d'un tam-tam indien. Il décrit un champ de bataille, après un carnage, sur lequel s'empilent les cadavres, hommes blancs et peaux rouges mélangés. Le chant solennel jette sur cette image d'apocalypse une chape de cendre. La chanson écarte tout ce qui pourrait générer un sentiment épique. La lenteur du rythme, presque lancinante, au contraire renforce l'impression de gâchis. Vainqueurs et perdants finissent par se confondre, dilués dans le goût amer d'une vacuité tragique.
Dans "The Talking Leaves", J. CASH retrouve son rôle de conteur et les choeurs féminins enveloppent le récit d'une atmosphère ouatée, empreinte de pureté autant que de magie. L'histoire qu'il nous conte se passe en hiver et a la profondeur d'une fable philosophique. Sequoia est un jeune Indien qui marche auprès de son père sur le champ de bataille jonché de cadavres. Le vent fait alors s'envoler des feuilles blanches, ce qui étonne le jeune homme qui demande alors à son père ce que sont ces feuilles blanches qui ne ressemblent pas à des feuilles d'arbres. Et le père lui explique que ce sont des feuilles qui parlent chères aux hommes blancs lorsqu'ils veulent recevoir des nouvelles de leur famille. Sequoia, impressionné, découvre ainsi la beauté de l'alphabet capable de donner corps aux pensées. On ne met pas assez en valeur le talent d'écriture de l'homme en noir qui s'affirme ici en conteur habité et doté d'un sens poétique pénétrant.
Co-écrit avec Johnny HORTON, célèbre chanteur de Country et de Rockabilly, un temps marié à Billie Jean, veuve de Hank Williams avec laquelle J. CASH a connu une brève idylle, "The Vanishing Race" conclut l'album sur une note très émouvante. Un tambour scande une lente pulsation primitive tandis que le chanteur entonne une mélopée dans laquelle il trouve des accents indiens étonnants. Il y déplore l'extinction des Navajos. A travers cette complainte, l'homme en noir rejoint cette race disparue à laquelle il se pensait lié par des liens de sang.

A l'écoute de cet excellent opus, la même question vient me fouailler le cerveau : à supposer qu'il connaisse ce disque, quel est l'avis de George Bush sur ces chansons dans le pur style americana ?

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   AIGLE BLANC

 
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- Johnny Cash (guitare)
- Luther Perkins (guitare)
- Norman Blake (guitare)
- Bob Johnson (guitare)
- Marshall Grant (guitare basse)
- W.s Holland (batteries)
- The Carter Family (chœurs, accompagnement vocal)


1. As Long As The Grass Shall Grow
2. Apache Tears
3. Custer
4. The Talking Leaves
5. The Ballad Of Ira Hayes
6. Drums
7. White Girl
8. The Vanishing Race



             



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