Ah la la ! Voyez donc la date ! 1974 ! La belle Amérique de notre enfance baigne dans un climat terrible suite au scandale du Watergate, à la guerre froide, au Vietnam, à l’égalité des droits. Tout ceci juste après le premier choc pétrolier. Alors, notre Johnny tout de patriotisme vêtu, a décidé de relever le flambeau de son 'jeune' pays. S’il faut que quelqu’un se mouille pour le pays, ne comptez pas sur ses potos Elvis, qui mange des glaces, ou Jerry Lee LEWIS, qui trousse une groupie backstage. Johnny est un fervent défenseur de certaines valeurs morales, alors lui va se mouiller. Tout ceci nous donne cette pochette fameuse où, dix ans avant SPRINGSTEEN, Johnny affirme fièrement, mais parfois aussi sévèrement, son américanitude.

Nous débutons donc par le spoken word "Ragged Old Flag" devenu depuis un favori de l’Amérique profonde qui adore le mettre en introduction de toutes les fêtes ou kermesses existantes. Les témoins en ont toujours les larmes aux yeux et la main sur le coeur, jurent fidélité à la bannière étoilée, qu’ils croient sincèrement symbolique de la liberté. Pas une chanson, mais une mise en ambiance efficace. Le ton et la guitare sont plus folk que vraiment country sur la dynamique "Don’t Go Near The Water", qui introduit l’album et le rapproche de Bob DYLAN, très sympa. La guitare cristalline et le banjo de "Southern Comfort" nous plongent dans l’Amérique rurale. Elle y conte l’histoire d’un mec qui arrive à Nashville. "While I’ve Got It On My Mind" décrit la vie quotidienne, celle que les farouches ricains du middle west aiment tant, travail et grosses bouffes au programme. "Pie In The Sky" est plus lente mais sur le même modèle. Et puis des chansons de cowboy moderne solitaire comme "Lonesome To The Bone".

On est presque sur une rythmique rockab sur "All I Do Is Drive" où Johnny se souvient de ses premières années chez Sun Records. Il est d’ailleurs tellement proche des thèmes de Jerry Lee LEWIS sur "What On Earth Will You Do" qu’on ne s’étonne pas du rapprochement à venir des deux artistes pour le CLASS OF 55 - et Carl PERKINS tient la gratte sur tous les titres ici. Nous avons aussi des petites ritournelles comme seul Johnny sait les composer, ainsi "King Of The Hill". Il faut dire que sa voix grave y fait merveille, ma préférée de cet opus. Des ballades d’ex-taulard qui ne souhaite pas sortir de prison avec "Please Don’t Let Me Out", Johnny s’est beaucoup penché sur le statut des convicts aux USA, sa parole n’est pas à prendre à la légère. Il chante à peine sur "Good Morning Friend", mais le refrain se laisse bien amadouer. Enfin, son épouse June a composé avec lui la mignonne "I’m A Worried Man", un peu surannée tout de même.

Un petit album pour rétablir le moral en berne des Américains en cette année 74. Nul doute que nombreux sont les compatriotes de Johnny CASH à l’avoir écouté en boucle pour ressentir un peu de fierté. Toutes les chansons sont des descriptions de la vie quotidienne de l’Américain moyen, celui qui croit dans les vertus du travail, celui qui est confronté aux problèmes d’alcool, celui qui croit en son seigneur Dieu. Nous sommes en pleine introspection - ou psychothérapie - de l’Amérique profonde, à des années lumière de notre vieux continent. Rien de phénoménal dans cette livraison, mais une impression de gaieté réussie voulue par son créateur, c’est donc un trois sur l’échelle de notation.