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- Style : Sanseverino, Jerry Lee Lewis , Elvis Presley

Johnny CASH - Orange Blossom Special (1964)
Par AIGLE BLANC le 13 Septembre 2015          Consultée 3279 fois

Le quinzième opus de Johnny CASH se présente de prime abord sous des atours des plus traditionnels. Et pourtant, ici, s'exprime, davantage que dans ses efforts précédents, le caractère frondeur et anticonformiste de l'homme en noir. C'est probablement l'un de ses albums les plus éclectiques, au confluent de la Country, de la Folk et des Spirituals.
Si, au regard d'aujourd'hui, les trois genres musicaux cités plus haut sonnent comme de très proches cousins, il n'en allait pas encore de soi en 1964.

La Country et la Folk semblent partager des valeurs communes. L'authenticité en est une, sensible dans la nudité des arrangements habituels : une voix et une guitare acoustique constituent le vêtement rustique traditionnel des chanteurs Folk ou Country. Parmi les points communs, on peut évoquer aussi l'importance accordée aux textes, souvent issus de l'intimité la plus proche. Ces deux genres prennent souvent l'apparence de confessions. Le chanteur semble s'adresser à un auditeur unique et c'est ce qui crée cet environnement empathique si chaleureux. N'oublions pas à cet égard les ultimes travaux de Johnny CASH produits par Rick Rubin, ces fameux American Recordings I à VI où le chanteur, dans un désir de revenir aux sources de son art, a supprimé tout instrument inutile pour ne conserver que sa voix et sa guitare. Tout est alors concentré dans l'instant présent.

Pourtant, de nombreuses divergences politiques opposent les tenants de la Country et ceux de la Folk. Les premiers, pour faire simple, partagent une conception de la société plutôt, voire infiniment, conservatrice, les seconds jouant davantage dans un champ plus progressiste donc plus contestataire. En 1964, vous n'auriez jamais pu convaincre un artiste Country d'interpréter un standard de la Folk, à moins de l'y contraindre par la torture, et vice-versa.
Bob DYLAN, star de la nouvelle génération Folk, n'était qu'un mécréant au regard de la scène Country. En intégrant dans cet album trois chansons de B. DYLAN, J.CASH commet un acte de résistance, pour ainsi dire une profession de foi. Il s'agit alors pour lui d'affirmer son éclectisme musical qui n'est pas du goût de sa famille d'élection. Il est à ce titre le premier grand chanteur de Country à ajouter DYLAN à son répertoire.

Le moins que l'on puisse dire au sujet de ces reprises, c'est que l'homme en noir en livre une interprétation à la fois respectueuse et supérieure en un sens aux originales pour qui n'adhère pas à la voix nasillarde de B. DYLAN. Il reproduit par exemple les apartés de l'harmonica dans "It Ain't Me Babe" mais il ajoute des trompettes de style mexicain du plus bel effet. Le duo qu'il forme ici avec June CARTER, qui deviendra sa femme en 1968, rehausse aisément ce titre classique.
"Don't Think Twice, It's Alright" bénéficie là encore d'une interprétation idéale : la guitare métronomique de Luther Perkins et le chant de J. CASH restituent à cette mélodie ironique la lisibilité qui lui manquait dans la version de son créateur.
"Mama, You've Been On My Mind" réunit les qualités des deux titres précédents et se présente probablement comme la meilleure des trois, notamment grâce à l'emploi judicieux d'un saxophone qui ponctue chaque refrain et des interventions discrètes mais agréables de June CARTER qui, comme choriste, soutient au bon moment le chant principal.

De la Country, Johnny CASH en chante dans cet album, que ce soit de la très classique comme la chanson de A.P CARTER "Wildwood Flower" ou bien celle qu'il compose lui-même comme la très belle "You wild Colorado".
"Wildwood Flower" est une ballade, ou plutôt une complainte, qui décrit le fossé existant entre les promesses d'amour éternel de la femme amoureuse et la dure réalité de son inconstance, son amour s'évanouissant aussi rapidement que ses promesses. J. CASH interprète ce titre avec sa nonchalance coutumière qui confère à son chant toute la désillusion de l'amant éconduit par sa belle. La guitare de Luther Perkins y trouve l'incandescence séminale de son style minimaliste en ne s'accordant pour toute coquetterie qu'un passage à l'octave supérieur lors du troisième couplet. Le refrain entonné par le chanteur désabusé est finement autant qu'ironiquement souligné par le choeur féminin assumé par June CARTER.
"You Wild Colorado", dans un style élégiaque, est un hymne à la célèbre rivière éponyme que J.CASH décrit dans toute sa splendeur sauvage. La chanson, très courte, s'offre telle une vignette dont les arrangements dépouillés (une voix qu'accompagne une unique guitare folk) décuplent son intense poésie.

Mais l'homme en noir reste imperturbablement lui-même. La Country qu'il affectionne n'est pas la plus conventionnelle. Il lui préfère celle qui brosse de l'Amérique une image féroce d'injustice, celle qui exclut de son arche les âmes les moins chanceuses ou les plus fragiles.
C'est ainsi que "The Long Black Veil" raconte la tragédie d'un homme condamné à mort pour un meurtre qu'il n'a pas commis, seulement parce que chacun s'accorde à dire que celui qui a été aperçu en train de s'enfuir après le crime lui ressemblait énormément. Mais aussi parce qu'il n'a pas pu décliner son alibi, ne souhaitant pas révéler publiquement qu'il était à l'instant du meurtre en train de coucher avec la femme de son meilleur ami. Le rythme sautillant de la basse métronomique de Marshall GRANT, la perfection du refrain (où c'est le mort qui clame "Nobody knows, Nobody sees, Nobody knows but Me") souligné par un choeur féminin pertinent et le chant volontairement distant de J. CASH, tout concourt à la réussite de cette interprétation exemplaire.
"The Wall" aborde l'univers pénitentiaire que le chanteur n'abandonnera jamais au cours de sa longue carrière en livrant deux Live essentiels donnés à la prison Folsom et à celle de St Quentin. La chanson raconte le destin tragique d'un prisonnier qui voulait se faire la belle malgré les tentatives de dissuasion de son voisin de cellule (le narrateur) qui ne voit plus dans l'échec de cet homme (il a été abattu avant d'atteindre le sommet du mur) qu'un suicide déguisé. La même recette y est déclinée : la voix désabusée, une guitare folk, une basse discrète. Et la force humaniste du texte qui fait tout le boulot. Sûr, J.CASH sait choisir ses chansons !
Il ajoute à ce duo gagnant sa propre composition : dans "All of God's Children Ain't Free", il fustige son pays qui abandonne certaines âmes à leur triste sort : les sans abris. Cette chanson est un manifeste blues où il clame qu'il ne cessera jamais de chanter les miséreux et les laissés pour compte. Le rythme dansant qui pastiche celui, traditionnel, de la Country, allié à un choeur dans le style Gospel accentue la conviction de cet acte de foi émouvant.

A noter aussi sa superbe version du traditionnel celtique "Danny Boy". En ralentissant légèrement son rythme, il atteint ici à une forme de quintessence de son art.
L'album se clôt en beauté avec "Amen", un vrai gospel composé d'un unique refrain, qu'un choeur enthousiaste entonne avec une joie communicative.

Orange Blossom Special qui synthétise la large palette stylistique autant qu'expressive de Johnny CASH constitue l'album idéal pour faire connaissance avec cet artiste de légende. Un excellent opus qui se hisse sans difficulté parmi les sommets de sa discographie.

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   AIGLE BLANC

 
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- Johnny Cash (chant)
- Luther Perkins (guitare lead)
- Norman Blake (guitare)
- Robert Johnson (guitare)
- Ray Edenton (guitare)
- Marshall Grant (basse)
- W.s Holland (batteries)
- Floyd Cramer (piano)
- Homer Randolphe (saxophone)
- Charles R. Mccoy (harmonica)
- William K. Mcelhiney (trompette)
- Karl R. Garvin (trompette)


1. Orange Blossom Special
2. The Long Black Veil
3. It Ain't Me Babe
4. The Wall
5. Don't Think Twice, It's Alright
6. You Wild Colorado
7. Mamma, You've Been On My Mind
8. When It's Springtime In Alaska
9. All Of God's Children Ain't Free
10. Danny Boy
11. Wildwood Flower
12. Amen



             



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