Au bout de 6 ans de carrière, ça y est : GENESIS sort sa première référence, son premier album incontournable. À force de travailler sa synergie, son talent (même si les opus précédents sont déjà hautement recommandables), le quintette montre ici ses premières compositions non seulement réussies, mais qui restent définitivement dans la tête. Du moins, à moitié.

De la même manière que certains commencent par le dessert, commençons par les choses qui fâchent. Si l’on exclut le final "Aisle of Plenty" qui n’est qu’un coda, les formats courts ne sont pas des plus impérissables. Pensé-je à "More Fool Me" ? Oui, entre autres, cette balade toute mimi avec un Phil Collins irritable au chant décrédibilise un peu tout défenseur de la thèse du GENESIS pop ; "After the Ordeal" est anecdotique, et même le fameux "I Know what I Like", pourtant bien troussé, agace par son refrain gâchant une chanson simple mais entrainante. Du côté des longs mouvements progressifs, je n’ai jamais été convaincu par "The Battle of Epping Forest", trop fouillis et difficile à suivre.

Forcément, le reste est meilleur. N’est-ce pas ?

Euphémisme.

"Dancing with the Moonlit Knight" est la définition même du mouvement épique en rock progressif. Féroce et mélodieux à souhait, et démontrant notamment à quel point Steve Hackett mérite le titre de guitar hero, il est à même de convaincre les derniers réfractaires à la musique de GENESIS (enfin, le GENESIS prog, j’entends) ; et puis la hargne de Pete Gab’ au chant, quoi ! Pas convaincu car trop rock et pas assez complexe ? Pas grave, il y a "Firth of Fifth". Rien que l’intro au piano est véritablement culte, avec son thème repris plus tard dans la section centrale du morceau, où les transitions entre passages rock bien menés au synthés et moments de grâce beaux à pleurer sont on ne peut plus fluides. Enfin, si "The Cinema Show" fait pâle figure à côté de ses ainés, ce n’est vraiment que parce qu’il passe derrière, et de toutes façons il touche de manière plus subtile et romantique.

Selling England by the Pound est un album particulièrement beau et réussi. Si les faiblesses sont encore trop nombreuses pour parler de magnum opus, il serait de mauvaise foi que de dire que GENESIS serait loin du compte. Qui plus est, c’est un album accessible, limite idéal pour commencer l’aventure musicale, sans pour autant éclipser qualitativement le reste. Chapeau bas.