La jeunesse excuse bien des choses. Lorsque cinq amis de lycée mettent en commun leurs talents pour monter un groupe et enregistrer des chansons originales, dans l'Angleterre des années 60, l'empreinte des Beatles reste terrible - le groupe ne s'est pas encore séparé - et il n'est pas si facile de se montrer différent. Pourtant, bien que ce premier album soit particulièrement déséquilibré, ce serait mentir de le résumer à une simple collection de chansons pop sans envergure ni identité. Non, c'est vrai, From Genesis To Revelation n'a rien de transcendant, tant et si bien que Trespass, leur galette suivante, sera très largement considérée comme leur premier "vrai" album. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce "...To Revelation" ne montre pas le futur géant sous les meilleurs auspices.

La faute à qui, à quoi ? A Jonathan King, parrain du groupe (qui a géré la suite de façon calamiteuse), responsable des orchestrations sirupeuses qui inodent l'album ? Coupable tout trouvé, mais je dois avouer que ces orchestrations sont parfois plaisantes (l'introductif "When the Sour"), voire qu'elles sauvent certains titres ("In the Wilderness", épique dans son optimisme éclatant). Peter GABRIEL ? Sûrement pas, vu que derrière les mélodies très pop et sucrées, il arrive à allier la voix de l'Ange qu'il est ("Fireside Song") et sa voix théâtrale qui fait de timides apparitions. Les autres musiciens ? Pour un âge si jeune, ils font preuve, sur la face A, de queqlues fulgurances. Anthony PHILLIPS, guitariste doux et délicat, verse dans un space rock agressif le temps d'un excellent "In the Beginning", sa guitare 12 cordes et la flûte de Peter annoncent Trespass sur la très belle "Am I Very Wrong", et Tony BANKS se permet déjà des suites d'accords héritées du classique, plus précisément du romantisme.

Non, si ce disque a connu une piètre carrière, c'est principalement dû à sa face B d'une rare indigence. Ca commence avec un "The Conqueror" transparent comme une nuisette et ça ne s'arrêtera qu'à "Silent Sun", très bonne chanson mais qui sera meilleure en version single (plus longue). Entre les deux, un vide interstellaire. Absolument rien ne vient sauver l'ensemble, pas une mélodie, pas un rythme. L'ultime plage se montre un peu plus adulte, laisse entrevoir un futur intéressant, mais c'est trop tard : on a déjà oublié les moments pourtant fort agréables de la première partie. Et l'on comprend aisément pourquoi ce disque a été oublié dans la grande Histoire du Rock.

Déjà bien handicapé par une moitié insipide, From Genesis... a eu une enfance malheureuse. Relégué dans les bacs "musique religieuse" de par son titre et sa pochette sobre comme un curé de campagne, le disque a en outre été ressorti à tare-larigot par un Jonathan King frustré distillant les faces B et démos chaque année comme de minusucules oeufs de Pâques, des faces B souvent bien plus anecdotiques et immatures qu'autre chose - on est loin des Jackson Tapes. Reste, bien à l'écart de ses illustres successeurs, un petit 33 tours qui porte en lui de nombreuses traces de talent, mais jamais ni totalement accomplies, ni solidement utilisées. Un ratage, mais sans blessure, qui conduira le groupe à se prendre en main et refuser désormais tout compromis. Et rien que pour ça, si l'écoute de From Genesis n'est pas indispensable, sa sortie l'était.