Après l'échec total que fut le premier album, GENESIS se reprend en main et, désormais plus libre de ses mouvements, initie une seconde phase dans sa carrière afin de devenir une référence de la musique. Autant dire qu'avec Trespass, il est bien parti. Chacun des membres du groupe, sans pour autant donner le meilleur de soi-même, participe de plain-pied. Au passage, il convient de rendre justice à John Mayhew, beaucoup trop sous-estimé et cruellement oublié.

Contrairement à ce que l'on peut penser, Trespass n'est pas vraiment un album de rock progressif. En fait, GENESIS joue déjà de la pop progressive, genre dans lequel il brillera de mille feux par la suite. Il ne faut pas se laisser abuser par l'erreur grossière selon laquelle tout morceau long serait du prog. Dès "Looking For Someone", le ton est d'ailleurs donné. Pendant 7 bonnes minutes, les cinq compères s'en donnent à coeur joie dans une chanson entraînante bien qu'imparfaite (la guitare d'Ant, entre autres).
Le reste de l'album se trouve dans la même catégorie ou presque. La guitare de "White Mountain" est tout simplement irrésistible, elle renforce une ambiance lyrique très appréciable. Dommage que Peter Gabriel en fasse un peu trop par endroits : son jeu théâtral est trop exubérant pour une telle chanson. En revanche, il va à ravir sur "The Knife", premier grand classique du groupe. Pour la première fois, GENESIS se montre incisif et brutal, tout en se plaisant à être subtil. Le meilleur passage reste de loin la partie centrale, dont le caractère sombre aurait pu être renforcé par un orgue plus menaçant, mais la voix de Pete Gab suffit à compenser.
Quant aux trois morceaux restants, ils ne sont pas moins intéressants, mais n'ont clairement pas le même magnétisme. Ce n'est pas dramatique pour "Dusk", assez anecdotique pour le coup. En revanche, pour "Visions of Angel", la poésie dégagée n'arrive cependant pas à capter d'office, il faut y revenir plusieurs fois pour le comprendre, c'est frustrant.

Comme nouveau départ, Trespass est un excellent album. Mais, pris dans l'absolu, sa relative difficulté d'accès limite son succès. Ce qui est encore plus triste, c'est son oubli, notamment quand on parle de la période Peter Gabriel. Il mérite d'être redécouvert.