Avant-propos : tout comme pour le premier épisode, cette chronique se focalise sur la bande sonore de la version originale du jeu. Celle-ci a été publiée au sein de l'album "All Sounds of Final Fantasy I&II". Il ne faut donc pas la confondre avec la version, agrémentée d'inédits, sortie à l'occasion de la refonte du jeu au début des années 2000.

La postérité se souviendra que Final Fantasy II est sorti exactement un an moins un jour après le premier opus. Si les deux jeux se distinguent sur le fond, la forme est on ne peut plus proche. Pourtant, 1987 et 1988 ont été deux années complètement opposées pour Square et Nobuo UEMATSU. Aux 10 OST de l'année 1987, s'opposent donc seulement 2 (1) projets pour l'année 1988. Le marché japonais accueillait le premier épisode de Hanjuku Hero, série de jeux de stratégie (précurseur de Ogre Battle). Tout comme Final Fantasy, le nom de UEMATSU y est depuis, régulièrement associé.

C'est bien sûr le second épisode de Final Fantasy qui concentre nos attentions. Avec les années, le jeu a hérité d'une réputation de vilain petit canard (2), la faute à un système de jeu plus réaliste certes, mais mal équilibré. Ses qualités propres (plus long, plus complexe, caractérisation des personnages, scénario) ayant été depuis maintes fois dépassées. Cela n'empêche pas le jeu d'être à nouveau un succès et de dépasser son prédécesseur en termes de ventes. Statistique éphémère que le temps a rendu obsolète. Final Fantasy II, malgré ses différentes refontes et des sorties internationales à retardement, reste l'épisode le moins vendu de la série à ce jour.

La qualité du jeu est néanmoins indépendante des progrès réalisés par Nobuo UEMATSU en un an. Travaillant toujours sur ordinateur MSX, celui-ci enrichit sa panoplie d'effets malgré la contrainte toujours très forte du processeur sonore de la NES (ou Famicom). UEMATSU a eu plus de temps et cela s'entend. Il n'y a qu'à comparer la version du prélude à celle du précédent jeu pour s'en rendre compte. Bien qu'il ne se réduise toujours qu'à de longs arpèges, les effets d'écho cristallins que le titre arbore désormais en feront un passage obligatoire de la série. Même chose pour le "Victory Fanfare" un peu moins "brut". Outre ces deux incontournables, c'est sur Final Fantasy II qu'apparaît le Chocobo. Cette sorte d'autruche géante (3) généralement jaune fait depuis office de monture/mascotte de la série (et plus si affinités). L'oiseau se dote donc de son propre thème musical, pour le moment une boucle d'à peine 8 secondes. Le nombre de reprises et remix, aujourd'hui, doit chatouiller celui du Guinness book des records. Rien de particulièrement intéressant donc, pour le moment. Ladite boucle est même particulièrement casse bonbon.

Pour les titres exclusifs qui auront le plus retenu l'attention des joueurs, il faut citer "The Rebel Army". Un hymne mélancolique qui réussit l'exploit de combiner le côté épique des thèmes Heroic Fantasy alors en vogue, avec la touche mélancolique marque de fabrique du UEMATSU des premiers Final Fantasy. "Castle Pandemonium" de même se dote d'une élégante ligne rythmique qui démontre plus de richesse que le gros de la production musicale sur NES.

"Dungeon", "Battle 2" ou "The Old Castle" se dotent d'une touche moyen-orientale remarquable. Une influence que l'on retrouve par ailleurs dans les illustrations de Yoshitaka Amano (turbans, bijoux...). À l'image de l'illustrateur, le compositeur parvient à doser subtilement son influence pour qu'en résulte une ambiance unique en son genre. Les compositions de Cleopatra no Maho n'avaient pas bénéficié d'un tel soin.

En outre, bien que certains thèmes soient réduits à de simples boucles, on déplore moins de déchets que sur l'opus précédent. Le thème des combats, en particulier, est bien plus réussi et démontre la capacité du compositeur à varier les intentions derrière chaque composition. Le jeu a par ailleurs bénéficié de coupes bienvenues (4). On déplore cependant "Queen's Temptation", reprise de la fameuse scène 2 du premier acte du Lac des cygnes de TCHAIKOVSKY.

Malgré les progrès et un pallier atteint dans la qualité de composition, UEMATSU reste malgré tout à la peine face aux limites techniques du hardware. Des limites que l'album "Final Fantasy Symphonic Suite", malgré sa production aux fraises, va faire voler en éclats. Dans leurs versions originales, les mélodies restent prisonnières d'un carcan électronique qui ne leur convient pas. Ce qui empêche les "Battle" et autres "Town Theme", malgré leurs qualités intrinsèques, de se ranger aux côtés des "Moon Theme" (Duck Tales), "Dr Wily's Castle" (Megaman 2) ou "Evading the Enemy" (Ninja Gaiden) au firmament de la musique chiptune.

(1) Sources contradictoires pour la date de sortie exacte de Genesis, le rapport de force pourrait donc être de 9 pour 3.
(2) Des 10 premiers épisodes réalisés sous l'ère Sakaguchi, il reste le seul que votre serviteur n'a jamais terminé. Ses récents successeurs semblent vouloir rivaliser d'ingéniosité afin de partager ce titre.
(3) L'oiseau tient tout autant de la mascotte des "Chocoballs", friandise alors en vogue au Japon que de la monture de Nausicaä et la vallée du vent, second film de Hayao Miyazaki sorti en 1984.
(4) cf l'épouvantable thème "Shop" disponible sur l'album "All Sounds of FInal Fantasy I&II" auquel nous avons fort heureusement échappé.