On peut dire que les pontes de Motown sont du genre optimistes : dès que leur poulaine Diana ROSS est annoncée parmi les candidates pour le prestigieux Academy Awars de la Meilleure Actrice grâce à son interprétation de Billie HOLIDAY dans Lady Sings the Blues, les voilà qui se mettent à planifier un album de reprises de chansons jazz pour surfer sur le succès, ses prochains rôles au cinéma.

Et le jour J, patatra ! La douche froide, c'est Liza MINNELLI qui repart avec le titre tant convoité grâce à Cabaret. Pour n'importe qui d'autre, en arriver jusque là serait déjà une victoire en soi, mais pour ROSS et la Motown, que la consécration ne soit pas au rendez-vous est une immonde défaite. Il convient alors de rebondir rapidement. Diana ROSS avait commencé à travailler sur un album concept portant sur ses enfants et sur son expérience de la maternité qui aurait dû s'intituler To the Baby, qui deviendra finalement ce Touch Me In the Morning - Erwin aurait tellement de choses à dire sur ce titre !

Sur papier, l'idée d'un album au concept pareil, et assemblé à la va-vite pour sortir le plus rapidement possible, n'augure rien de bon. Pourtant, preuve de la popularité de Diana ROSS à cette époque, l'album est un succès, l'un des plus gros de sa carrière, qu'elle doit principalement au single éponyme qui part cavaler au sommet des charts, son deuxième #1 au Billboard, et aussi au second single "All Of My Life" qui fera un carton au Royaume-Uni. Pas mal pour ces deux chansons sentimentales pleines de sirop. Attention à l'overdose de sucre, l'album en déborde !

Certes, je dis cela à chaque album de Diana ROSS. C'est son style après tout, enfin le style qui plaît et fait vendre. Sur les trois premiers morceaux de l'album, ça passe très bien : c'est joli, c'est tendre, tout cotonneux. Mais, arrivé à "Leave A Little Room", on commence à se demander si on n'a pas appuyé sur le bouton "repeat" par erreur. Si ? Ah non, c'est bien un autre morceau, et tenez, il y a même une guitare un peu country sur celui-là ! Mais si, tout au fond, là, derrière les cordes ! Allez, il y a bien "Little Girl Blue" qui sort du lot. C'est un jazz dans le style de Billie HOLIDAY, peut-être issu des sessions pour l'autre album de reprises que Motown avait prévu avant de le remiser au placard. Qualitativement, on est à la hauteur de celles de Lady Sings the Blues, chantée avec la même passion, avec une instrumentation toute aussi réussie.

Mais, vous voulez sûrement en savoir plus sur la reprise d'"Imagine" ? A la base prévue pour un medley avec Marvin GAYE pour "Save the Children", elle a fini on ne sait comment ici, alors qu'elle aurait mieux fait de rester dehors. Elle est évidemment très pop, mais j'ai toujours trouvé putassier d'ajouter plein d'effets pour rendre ce morceau encore plus émotionnel qu'il ne l'est déjà, il fonctionne beaucoup mieux avec sa simplicité d'origine. Pour ne pas finir l'album sur une note amère, Diana ROSS se rattrape avec le medley final dans lequel elle alterne soul et jazz à la Billie avec classe.

Mais, ça ne sauve pas les meubles pour autant, et le succès d'un single ne suffit pas à rendre bon un album entier. Touch Me In The Morning est une sucrerie écœurante au bout de deux bouchées. En ne variant pas les plaisirs et en continuant à jouer les mêmes cordes, Diana ROSS s'enterre dans une routine lassante.