En 1994, tout le monde était prêt à enterrer Diana ROSS. Son agonie avait commencé avec l’album Ross de 1983, l’avis de décès avec Eaten Alive, le cercueil préparé avec Red Hot Rhythm & Blues, le prêtre avait revêtu sa soutane et préparé son discours à partir de Workin’ Overtime, la foule mis ses habits de deuil et s’était réunie pour l’éloge funèbre à la sortie de The Force Behind the Power. Puis, miracle des miracles, le corps s’est mis à bouger. La moribonde s’est relevée d’un coup dans son cercueil, ressuscitée par le plus improbable : un album de chant de Noël ! Un miracle de Noël !

Mais un premier sursaut survenu l’année précédente avait pourtant annoncé la bonne nouvelle. A l’occasion d’un concert à Vienne, Diana s’était associée à deux chanteurs d’opéra, Placindo DOMINGO et José CARRELAS, pour un concert symphonique de chants de Noël. Ce fut un gros succès, le public re-découvrit que les divas de pop peuvent rivaliser avec les divas d’opéra, et Carrelas en profita pour réitérer l’expérience à trois autres reprises, chaque fois avec des invités différents (Charles AZNAVOUR, Donna WARWICK et Patricia KAAS). Ce qui fait poser la question : pourquoi Diana ROSS n’a-t-elle jamais enregistré d’album de Noël avant (exception faite de l’obligatoire album de Noël de la Motown avec les SUPREMES en 1965) ?
Alors, on se demande aussi si c’est vraiment pertinent d’enregistrer un tel disque juste après Christmas In Vienna. Là-dessus, on peut donner une réponse en deux points : c’est de l’argent facile (même pas de composer ou d’écrire des paroles, vous réchauffez cinq minutes au micro-ondes et c’est prêt !) et puis Diana ROSS n’aime pas trop partager le devant de la scène. Et du coup, le voilà, A Very Special Season!

Normalement, c’est le moment où je démonte avec un certain sadisme l’album. Il n’a rien pour lui, le pauvre. Sa pochette est hideuse, il fait suite à de mauvais albums et, même sur le principe, les disques de Noël n’inspirent pas confiance. Sauf que je suis mal parce qu’il est bien. J’irais même jusqu’à dire que c’est le meilleur album sorti par Diana ROSS depuis Silk Electric, en 1982. Et c’est un bon album pour la raison toute bête et toute simple que Diana a enfin arrêté d’essayer de copier les nouveaux styles. Fini les instrus New Jack Swing à la noix de pécan, l’orchestre fait son grand retour, et avec lui la voix de la diva retrouve sa grandeur. Et quelle voix ! Si le satin pouvait parler, il aurait sa voix.
On connaît les morceaux. Si, allez, on sourit à la reprise de John LENNON, même si on sent nettement moins son côté subversif, mais comment voulez-vous résister à "O Holy Night", ou "White Christmas" ? Elle n’invente pas l’eau chaude mais ça réchauffe quand même. Elle se tire même plus qu’honorablement de l’"Ave Maria" de SCHUBERT, avec peut-être même plus de cœur que bien des cantatrices.

Ce disque est comme un chocolat chaud. Il ne trompe pas sur la marchandise et vous donne exactement ce qu’il promet : un bon moment. C’est niaiseux et dégoulinant de guimauve, saveur pain d’épices certes, mais en même temps c’est un album de Noël. Comme le disait le Docteur (Qui ?), Noël, c’est le moment où on est à la moitié de l’hiver, à moitié hors du noir. C’est d’autant plus vrai pour Diana ROSS qui entame avec cet album son chemin vers la rédemption musicale : la suite ne sera pas parfaite, mais le pire est passé.