Comme cela avait été le cas de son disque précédent, Irène (1986), Pierre PERRET a mis trois années pour sortir un nouvel album. Un rythme étonnamment long pour ce faux fainéant qui n’a proposé 'que' quatre albums dans les années 80 (contre sept, la décennie précédente).
Mais il faut dire que le Pierrot n’est pas resté totalement inactif durant cette période. Outre le fait qu’il a été nommé au Conseil Supérieur de la Langue Française à l’initiative de Michel ROCARD, il a publié son premier livre de recettes : Le Petit Perret gourmand (1987) et un disque pour enfants : Chansons buissonnières (Interdit aux plus de 12 ans).
On peut imaginer qu’il a également beaucoup voyagé tant Ce soir c’est fête s’ouvre sur le monde à plusieurs reprises.
Mais ce qui marque le plus à l’écoute de ce dix-septième album, c’est le sentiment que, après avoir utilisé avec bonheur la même formule magique pendant plusieurs opus, Pierre PERRET éprouve le besoin d’explorer d’autres types de chansons, d’autres thèmes, et que par conséquent, Ce soir c’est la fête part un peu dans tous les sens. Comme si son auteur avait délaissé le confort d’une recette bien maitrisée et terriblement efficace pour s’aventurer dans de nouveaux domaines qu’il découvre, parfois avec maladresse.
Cette soif de changement se matérialise également par le remplacement de Bernard GERARD, qui assurait l’orchestration de ses albums depuis Le Zizi (1974), par Romain DIDIER qui assure ici l’orchestration de la majeure partie des morceaux.
Las, au niveau musical, on ne peut pas dire que ce changement apporte un réel plus, à l’image de la chanson-titre qui ouvre l’album et s’apparente à une vilaine caricature de chanson d’orchestre de bal en peine d’inspiration. Le constat est assez proche avec "Bahia" qui donne le sentiment que le chanteur cherche à chasser sur les terres de CARLOS. Les mélodies vaguement tropicales sont décidément à l’honneur car, outre les deux morceaux déjà cités, "Felecite (Félicité) " et "Pépita" donnent également dans un univers qui pourrait rappeler une face B de LA COMPAGNIE CREOLE. Le PIERROT n’est pas plus heureux avec "Cœur cabossé" qui semble hésiter entre Rumba et ballade sirupeuse.
A l’exception de ces derniers titres, on doit en plus constater qu'ils ne sont pas sauvés par des paroles fleurant bon la facilité et la superficialité. Ce manque d’inspiration, très surprenant chez ce grand artiste, trouve son expression avec "Pas de chanson aujourd'hui", un morceau dans lequel il disserte, de bien belle manière, sur sa difficulté à se mobiliser sur la composition d’une chanson intéressante.
Est-ce ce syndrome de la page blanche qui explique la présence d’une nouvelle version, peut-être un peu plus sobre, de "La veuve", extraite de l’album Irène ? Le fait que ce soit un des meilleurs titres du présent disque nous éclaire sur la tenue générale de celui-ci.
Cela peut expliquer que l’album parte dans tous les sens, à l’image du surprenant "La révolution", une sorte de cours d’histoire dans lequel Pierre PERRET ose une description éminemment personnelle du déroulement de la Révolution française. Ou bien de la farce grossière "Le gros paysan" qui brille aussi peu par la finesse de ses paroles que par celle de sa musique. Si on peut lui reconnaitre un côté amusant, nul doute qu’il a dû faire grincer quelques dents dans les campagnes où Pierre PERRET bénéficiait alors d’une aura non négligeable.
Et lorsqu’il cherche à revenir dans des univers qui lui sont plus familiers, comme c'est le cas avec "Les serments de quat'sous", le résultat peine à convaincre, du fait d’une orchestration un peu bouffie.
Au même titre que Cuvée 71, Ce soir c’est fête est un des très rares albums de Pierre PERRET à rater sa cible et ne possédant pas la malice et la richesse d’âme auxquelles il nous avait habitués.
La cause en est multiple : textes moins inspirés, musiques caricaturales, orchestration lourdaude, direction artistique floue. Décidément, il n’y a pas grand-chose pour sauver ce disque qui clôture une longue période de grâce.