Après avoir chanté ses "Adieux provisoires", qui seront peut-être l’épilogue d’une oeuvre d’exception, Pierre PERRET revient dans les bacs avec un détour par la case départ. Mes bijoux de famille est la réédition de l’ensemble des chansons parues à ses débuts, lorsqu’il était dans la team Barclay. Il est de notoriété publique que ça s’est mal passé. Le coach n’était pas convaincu par sa jeune pousse et s’est montré assez dédaigneux. Prétextant des ventes peu convaincantes, notre chanteur fut prié de se trouver une autre écurie en 1963. Et, comme c’est souvent le cas, c’est dans celle-ci qu’il se mit à enchaîner les buts. Les disques vendus par camions allaient permettre au Tarn-et-Garonnais de conserver envers le vieil Eddie une rancune de vainqueur éternelle.

Cependant, maintenant que l’homme en blanc en a fini de nourrir les vers, on peut sans doute reconnaître une chose : c’est que ce n’était pas précisément du meilleur caviar qui lui avait été vendu ! Cette compilation ne peut masquer la très nette différence de niveau avec ce qui a suivi. Ce n’est d’ailleurs pas son but. Pierre PERRET le dit dans un petit mot sur le disque : ces chansons sont beaucoup moins connues que les suivantes et il les ressort par attachement personnel, c’est-à-dire par nostalgie ou, disons, par intérêt historique. Pour le patrimoine.

On y entend un chanteur encore très sage, à l’interprétation parfois ennuyeuse. Le compositeur manque encore de confiance et ne tient pas encore bien en main sa grande inspiration mélodique. De plus, l’accompagnement est très léger. Qualifions enfin l’auteur de balbutiant. Clairement, Pierre PERRET n’avait pas encore trouvé la formule. Il avait bien sûr l’excuse du débutant. Et il est clair que Barclay aurait dû repérer les qualités en graine contenues dans ces enregistrements, notamment dans les quelques chansons qui sont restées ensuite en mémoire des avertis ("Moi j’attends Adèle", "Le bonheur conjugal", "La bérésina" par exemple) ; c’était son job après tout ! Il y a effectivement une réelle amélioration entre les deux albums principaux parus sous sa férule (chroniqués ailleurs dans ces colonnes, le reste provenant des 45 tours publiés à l’époque) et des choses intéressantes au détour de quelques chansons. Tant pis pour lui, d’autres ont raflé la mise à sa place.

Il a bien tenté par la suite d’en ramasser quelques miettes quand même, en publiant régulièrement des compilations de ces premières œuvres. La première réédition complète de cette trentaine de chansons eut lieu lors de la parution de l’intégrale, en 2011. C’est sous sa propre marque (Adèle) que Pierre PERRET sort maintenant Mes bijoux de famille, avec la complicité d’Irfan, le label des OGRES DE BARBACK, qui distribue les dernières sorties du bonhomme - y compris littéraires. J’imagine que cela est rendu possible par la longévité de notre ami qui mesure plus de soixante ans depuis l'enregistrement de ses premières galettes, probablement libres de droits de nos jours. Cette sortie permet à tous de découvrir les petits trésors généralement oubliés de cette époque, mais c’est un peu comme quand on tombe sur des outils préhistoriques au détour d’un musée. C’est vraiment chouette de les voir, il y a une vraie émotion à cela. Toutefois, objectivement, il n’y a pas photo entre une pierre taillée et une sculpture antique. Il y a effectivement bien plus de raisons de s’attarder sur l’époque Vogue qui a succédé à celle dont nous parlons puisqu’elle a laissé beaucoup plus de belles choses sur les étagères.

Peut-être cette période (1964-1969) fera-t-elle l’objet d’une publication similaire dans quelques années. En attendant, il est tout à fait indiqué de relever cette réédition (dont la note que je donne ici est davantage à mettre en rapport avec le reste de l’œuvre du chanteur) pour sa valeur patrimoniale. Elle permet de regarnir efficacement la salle des premiers âges, dans laquelle on peut également conseiller une pièce rare. Car Pierre PERRET, une fois libéré de tout contrat avec des maisons de disques, avait déjà pris la liberté de réenregistrer certaines de ces anciennes chansons sur son propre label. Il existe donc un album de ses premières compositions qui sonne comme du Pierre PERRET, jouant dans la même division que le reste. Mais comme mettre la main dessus est aujourd’hui fort difficile, l’amateur se dirigera sans peine vers cette compilation alliant l’authenticité et l’exhaustivité, joli rappel des premières heures au soir d’une longue et belle carrière.