Quatre années après Cui-là, qui nous présentait un Pierre PERRET en grande forme, celui-ci nous revient avec Mélangez-vous. La formule a un peu changé puisque la collaboration avec LES OGRES DE BARBACK n’est pas reconduite et que le chanteur confie les arrangements musicaux à son vieux compagnon de route Jean Claudric, celui-là même qui était à ses côtés de 1964 à 1971. Et le résultat est appréciable, l’orchestration est à la fois claire, riche, variée et délicate, ce qui permet à la voix de Pierre PERRET d’être, comme toujours, très intelligible. Comme c’est le cas depuis plus de trente ans le chanteur alterne, ou agrège, son humour dédramatisant avec la dénonciation de ce qu’il assimile à des travers de notre société. Ainsi, la lutte contre les ségrégations, qu’elles soient raciales, sexuelles ou économiques, est toujours d’actualité pour lui, mais il ne s’arrête pas à cela.

En 1979, avec "L’hôpital" il mettait déjà en scène le manque de moyens alloués à nos hôpitaux, près de trente années plus tard, la situation ne s’étant pas améliorée il brocarde à nouveau les conséquences des choix de nos dirigeants sur le système de santé avec "La P'tite Infirmière". Une chanson qui sommeillait dans ses carnets et que les conséquences sanitaires de la canicule de 2003 l’ont amené à finaliser, avec ce sens de la diatribe empreint d’humour, car, comme il le dit "l'humour est le ressort de la vérité". C’est probablement cette amertume, cette lassitude devant le caractère l’inamovible des maux de notre société qui l’amène à se montrer encore plus humoristiquement désespéré que par le passé. La détresse et la solitude des patients abandonnés, la lassitude des professionnels de santé chez qui l’espoir s’éteint peu à peu, le cynisme macroéconomique des dirigeants, tout est décrit avec cet humour crispé, qui lui sied si bien.

Au menu de ses coups de gueule à fleuret moucheté, on peut citer les discriminations faites aux femmes avec "Mélangez-Vous" et "La femme libérée", la liberté sexuelle avec "Le tabou du sexe", l’antiracisme et le sort des prostituées avec "Malika". Si la plupart des thèmes qui prennent place dans Mélangez-vous sont graves, l’humour grivois, auquel Pierre PERRET est communément associé, n’est pas totalement délaissé. Et au détour d’un "Le Séant déchaîné", le Pierrot s’en donne à cœur joie pour nous défriser avec un de ses textes qui jouent avec le second degré, les jeux de mots et les allégories, pour virevolter entre trivialité et sérieux apparent.

Le seul point faible de cet album est peut-être à chercher du côté des compositions qui manquent un peu de relief, et ce malgré une orchestration de premier ordre. Les musiques peinent à se singulariser fortement les unes des autres. A tel point que "On s’est aimé", et sa mélodie un peu plus véloce et saccadée que les autres morceaux, apporte une impression de fraicheur bien agréable. Et si, année après année, Pierre PERRET continue de nous enchanter avec la qualité de sa plume, il pourrait être utile qu’il s’acoquine avec de nouveaux partenaires à même d’enrichir et d’élargir son expression musicale.

Malgré ce petit bémol, Mélangez-vous est un très bon disque dans lequel la sensibilité du chanteur est une fois de plus magnifiée par ses textes aussi fin que truculents. Il est à noter que le Pierrot a fait également parler son humour dans le livret où ses remerciements tournent à la farce, à l’image de son évocation de la "prise de son dont l’exceptionnelle qualité a depuis épaté même les meilleurs". Incorrigible !