Les ventes des disques de Pierre PERRET n’étant pas à la hauteur des attentes de Barclay, la maison de disque ne renouvelle pas son contrat au-delà de 1963. Mais Lucien MORISSE, alors responsable de la
programmation à Europe 1 (et célèbre pour avoir cassé le troisième disque de Johnny HALLYDAY, Itsy Bisty petit bikini, à l’antenne en déclarant "Voilà un disque que vous entendez pour la première et la dernière fois !". La petite histoire disant que la raison étant surtout à chercher dans le fait que ce disque était en concurrence avec un titre de DALIDA, avec qui MORISSE est alors en couple) le fait entrer chez Vogue, et devient son Agent artistique.

Difficile d’imaginer, pourtant, que ce simple changement d’écurie ait induit à lui seul la mutation de Pierre PERRET que l’on ne peut que constater sur ce Tord boyau. Il est en effet indéniable qu’avec ce disque le chanteur a terminé sa mue et a enfin définit clairement son univers musical et artistique. La tendresse, l’hédonisme, son amour pour les femmes et la gastronomie entrent de plein pied dans son œuvre. Et ses textes se truffent d’expressions et de mots empruntés à l’argot. Terminé l’humour cabaret et la provocation gratuite pour unique objectif. Pierre PERRET ne cherche plus à faire rire pour rire qu’en de rares occasions comme cela est encore le cas avec Noel (avant terme) ou Le Tord-boyau. La plupart du temps l’humour n’est désormais qu’un moyen de dédramatiser l’expression de ses émotions ou ses déclarations d’amour.

Car le bougre commence à se livrer, à se montrer plus sensible et plus tendre, même si sa pudeur le pousse encore à poser un nez rouge sur ses sentiments. Et le succès est immédiat, porté par la chanson titre, les diffusions sur en radio et les ventes s’envolent. Ce titre, entraînant et drôle, s’écoule à 100 000 exemplaires ce qui va lancer la carrière de Pierre PERRET. Et il est d’ailleurs paradoxale de constater que c’est grâce à un titre purement humoristique qu’il acquière sa renommée, lui qui se montre de plus en plus sincère et poète. Comme c’était le cas à l’époque, ce morceau sort tout d’abord en 45 tours, puis au sein d’un EP quatre titres, puis au sein de l’album du même nom qui est en fait la compilation de trois EP sortis en 1963.

La chanson apparaît ici dans sa version la plus populaire, sachant qu’une version plus courte et une version délestée des passages les plus choquants existent également. Avec un "Auverploums", aux sonorités vaguement médiévales, Pierre PERRET présente une vision bien plus positive des restaurants parisiens. Il y expose son goût pour la bonne chair et le bon vin. Et surtout, Il fait étal de sa nouvelle fascination pour l’argot en faisant de cette chanson un véritable exercice de style dans lequel il use et abuse de sa passion pour ce langage populaire. Passion qui trouvera son aboutissement quelques années plus tard dans deux ouvrages dont il est l’auteur : "Le parler des métiers" (2003) et "Le Petit Perret illustré par l’exemple (dictionnaire de l’argot)" (1982). Mais, surtout, et c’est nouveau, il ose désormais exposer ses sentiments au grand jour et se montrer émouvant et touchant, comme cela peut-être le cas avec "Vous, dont je suis fou", ou bien "Marina".

Au regard de sa période Barclay, ce Tord-Boyau se révèle plus riche, plus diversifié, plus profond.
Il offre la possibilité au parisien d’adoption qu’est devenu Pierre PERRET de sortir du petit univers des cabarets de la capitale pour toucher un public plus vaste. Et c’est paradoxalement en adoptant un vocabulaire à très forte connotation "pavée parisien" qu’il parvient à acquérir une stature nationale.
Probablement le premier album réellement marquant qui annonce une grande carrière.