15 semaines, dont 9 consécutives. Ceci n'est rien d'autre que le temps qu'a passé la chanson "Tous les garçons et les filles" au sommet des charts français, ce qui en fait une performance exceptionnelle. Assez en tout cas pour montrer que Françoise HARDY a réussi à marquer le public français, à partir de sa prestation sur l'ORTF en octobre 1962, en attendant le résultat des élections présidentielles. Pas question cependant de se reposer sur ses lauriers, sans compter que la machine s'emballe. HARDY est choisie pour représenter Monaco à l'Eurovision, Roger Vadim lui fait découvrir le cinéma, et son premier single à succès est adapté dans plusieurs langues, contribuant ainsi à sa renommée internationale. En résumé, tout va bien dans le meilleur des mondes dans la carrière de Françoise HARDY.
Tous les voyants sont donc au vert lorsque sort le deuxième 33-tours, nommé rétrospectivement Le Premier Bonheur du Jour, fin 1963. Comme prévu, l'album ainsi que les 45-tours qui gravitent autour se vendent assez bien, il n'y a donc pas à se focaliser dessus. En revanche, et contrairement au précédent opus, la distribution tout comme l'architecture reviennent dans les normes de l'époque : les chansons sont au préalable distribuées en 45-tours et, parmi elles, la moitié sont des reprises de titres anglo-saxons ou des compositions originales d'auteurs extérieurs. Cela dit, il n'y a là rien d'étonnant.

Le Premier Bonheur du Jour commence de manière formidable grâce à son ouverture-titre. Avec juste une guitare, une basse et un orchestre plutôt discret, HARDY accède à un état de grâce rare. Dès les premières notes, la joie s'évaporant, la musique se met en place afin d'accueillir en son sein la voix de la chanteuse, aussi bouleversante que touchante, et des paroles relevant d'une tristesse poignante.
La tristesse, justement, devient clairement le fond de commerce de Françoise HARDY. Rien qu'à la lecture des titres des chansons, tout est dit. Cela est notamment dû à la préférence de la chanteuse pour l'amour qui dérape, qui ne se déroule (et surtout ne se finit) pas forcément bien. De plus, les thèmes amoureux sont pris avec une plume toujours aussi poétique, que ce soit sur les reprises ou les autres chansons. Outre "Le Premier Bonheur du Jour", il est aisé de citer en exemple "L'Amour ne dure pas toujours", à l'orgue jazzy pertinent, et faisant montre d'un pessimisme réaliste.

Le souci, c'est que la poésie, même sublime, ne peut pas accrocher immédiatement si la musique ne suit pas. Si l'alliage marche bien sur "Toi Je ne t'oublierai pas" et surtout la très réussie "Saurai-je", il n'en est pas de même de deux des trois reprises : si "Avant de t'en aller" n'est pas désagréable, "L'amour d'un garçon" est assez anecdotique, et "On dit de lui" conclut l'album d'une horrible manière. Les compositions originales ne sont pas épargnées non plus : "Va pas prendre un tambour" se pare de violons plus irritants que d'ordinaire au refrain, et ne s'impose pas comme une chanson efficace. La production est également à critiquer, car ayant mal vieilli, et ne rendant pas honneur aux meilleures chansons.

Le Premier Bonheur du Jour conforte Françoise HARDY en tant que chanteuse à suivre. Même si l'on est encore loin de l'album sans failles, ou du moins incontournable, rien ne fait amèrement regretter son écoute, et encore moins la belle voix de HARDY qui s'apprête d'ailleurs à séduire bien plus que les publics français et italien.