Malgré des qualités on ne peut plus contestables, La Question a abouti à un échec commercial. La raison principale consistait entre autres en un manque évident de promotion (à peine un passage télévisé). C'est d'autant plus dommage que les chansons qui y figuraient n'étaient pas du tout inaccessibles. Cela dit, Françoise HARDY continue d'avancer fièrement et de sortir des albums. C'est tout de même dans un contexte assez tendu (Sonopresse veut des ventes) que sort en 1972 Et si je m'en vais avant toi.

Si l'on regarde les infos sur l'album, force est de constater une surprise de taille. En effet, HARDY a presque complètement tout écrit elle-même, ne laissant de concession qu'à deux reprises ("Cafard" et "Bowm Bowm Bowm"). De plus, Et si je m'en vais avant toi ne contient aucune reprise, ce qui le rend unique dans la discographie de la chanteuse. Rien que pour ça, il mérite l'attention. Mais, cela risque de ne rien valoir si les chansons ne sont pas réussies.

A cette interrogation, il convient de sortir la fameuse formule 'à boire et à manger'. L'album ne contient pas de chanson incontournable, mais aussi et surtout aucune chanson marquante. De la chasse au trésor, on revient donc bredouille. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne contienne pas de bonnes chansons.
Du point de vue stylistique, il est assez inspiré par le rock d'Amérique. Il manque juste le chant en anglais, et on s'y croirait presque. La présence de musiciens tous issus du monde anglo-saxon ne fait d'ailleurs que renforcer cette caractéristique. Concrètement, cela donne par exemple "Ma vie intérieure", "Où est-il ?", ou encore "L'éclairage", soit des chansons assez plaisantes à écouter, mais qui, comme dit plus haut, n'impressionnent pas, dans le sens photographique du terme. Mais la variété française reste toujours présente, de manière agréable ("Pardon", "Bowm Bowm Bowm"), et HARDY la parolière continue de faire du HARDY, c'est-à-dire de la poésie triste et touchante.

Concrètement, ce qui manque à HARDY ici, c'est le sens du hit : à force de se complaire dans son indépendance artistique, elle en oublie de se décider à attirer son auditoire. Et pourtant, pour peu qu'on augmente son attention, il existe des éléments faisant de Et si je m'en vais avant toi un intéressant album. Ainsi, "La Berlue", aussi bonne que courte, possède une intro qui sembler pasticher Jimmy Page, rien que ça, étonnant de la part d'une chanteuse de variété française. "Quand mon amour va prendre l'air", rafraîchissante, doit sans doute être agréable en voiture. En fin de compte, ce sont vraiment les chansons les plus américaines qui nivellent l'album par le bas, comme "Prisons", soit un blues qui penche plutôt vers la soul, et les possibles réactions de rejet vis-à-vis de "L'éclairage" sont tout bonnement compréhensibles.

A défaut de révolutionner la chanson française, cet opus arbore suffisamment d'arguments pour ne pas pousser l'auditeur à passer son chemin. Encore faut-il que la promotion soit efficace. Sur ce plan, Françoise HARDY ne semblait rien comprendre puisque cet album, ainsi que le précédent, La Question, ont été des échecs commerciaux. Vivre pour l'art est une belle chose, encore faut-il en pouvoir subsister.