Aujourd'hui, la France et l'Italie, demain le monde anglo-saxon. C'est ainsi que la carrière de Françoise HARDY se construit en 1963. Alors qu'elle s'est définitivement installée comme une chanteuse incontournable en son pays, elle se laisse alors tenter par Richard Anthony de partir en Angleterre pour enregistrer ses futures chansons. Une bonne initiative au vu du nombre de grands musiciens au km² à Albion, et une occasion en or de s'imposer encore plus, en profitant de l'intense aura anglo-saxonne. En 1964 cependant, cela n'en est encore qu'au début, HARDY ne sollicitant pas de compositeurs anglais pour ses chansons originales – ce qui ne l'empêche pas de cartonner chez nos voisins. C'est d'ailleurs cette année-là que sort son 3ème L.P, constitué comme il se doit d'E.P déjà sortis quelques mois plus tôt, et enregistré aux fameux studios Pye.

C'est sur le troisième album de Françoise HARDY, sans nom à l'origine, que se trouve l'une des chansons majeures de son répertoire, à savoir "Mon amie la Rose". Une nouvelle fois, la chanteuse fait mouche sur des paroles profondément tristes, et les interprète sur une musique dénuée d'emphases orchestrales. Le succès ne se fait pas attendre, ce qui a dû d'autant plus faire plaisir à sa compositrice, Cécile Caulier, qui avait essuyé des refus en série avant d'enfin trouver une personne réellement intéressée, en l'occurrence Françoise HARDY. Comme pour appuyer cette bonne fortune, "Mon amie la rose" a véritablement traversé les âges, étant donné son caractère intemporel.

Le problème de l'album éponyme, c'est qu'il ne possède aucune autre chanson tout aussi réussie. On pourra toujours rétorquer que les pépites ne se trouvent pas facilement, ce qui n'est pas faux. Cela n'excuse pas le remplissage auquel il faut faire face ici. Parmi les bonnes chansons du lot, les deux reprises de chansons italiennes sont fort réussies : "Je n'attends plus personne" marque notamment par son solo de guitare, quand même un peu brouillon, tandis que "Nous étions amies" possède une musicalité seyant bien au thème de l'amitié brisée. Du côté des compositions originales, outre la chansons-titre, l'écriture de HARDY brille de nouveau sur "Pars", aux paroles pour le coup assez basiques, aussi dures soient-elles, et présentant brillamment la puissance du duo voix-guitare.

Cela fait un tiers de l'album qui vaut le coup d'oreille, au moins. Et c'est à peu près tout ce qu'il y a à retenir ici, hélas. HARDY pose toujours sa belle voix, mais sur des musiques peu engageantes et, pour le coup, des textes trop inintéressants pour ne pas être oubliés. Il suffit d'écouter le début de l'album pour s'en convaincre, du moins à partir de "Tu n'as qu'un mot à dire". "Je veux qu'il revienne" reste tout de même une ouverture énergique et catchy, mais les han han han han du refrain discréditent durement la chanson.

C'est assez radical d'écrire ceci, mais Mon amie la rose laisse une sensation de gâchis. Sensation d'autant plus grande que les moyens mis à disposition sont plus conséquents, et cela s'entend. Le talent de Charles Blackwell, nouvel aide de camp de la chanteuse, se doit également d'être noté, mais il sert des chansons faibles pour la plupart. Rien de grave pour la carrière de Françoise HARDY cependant, elle s'est assez implantée pour un public peu difficile, et arrivera à rebondir artistiquement parlant.