A la fin des années 70, Françoise HARDY ne peut pas se plaindre de manquer de succès. Mieux, elle réussit à fédérer un nouveau public, et ainsi à ne pas sombrer dans l'oubli. Dans l'absolu, il y a de quoi se réjouir, car elle l'a bien mérité. Dans l'absolu seulement... car qui a aimé les oeuvres précédentes de la chanteuse, y compris Star, risque au mieux d'être décontenancé par Musique Saoûle. En effet, HARDY cédant aux sirènes de la mode sort un album influencé par le genre en vogue, à savoir... le punk ? Non, bien sûr que non, c'est vers le disco qu'il fait apparemment bon se tourner.

Pas de panique cependant. HARDY ne se met pas à embrasser à pleine bouche le disco avec ses stroboscopes, ses synthés funky-nazes et ses pattes d'éph'. Mais grâce à Michel JONASZ, qui écrit presque toutes les paroles, et le nouveau fidèle Gabriel YARED, HARDY s'impose dans les hit-parades avec "J'écoute de la musique saoûle", qui possède toutes les armes pour conquérir son public. Placé dans son contexte, son succès est incontestable. Mais, avec le recul, il est dur d'y voir une grande chanson, ou tout simplement une bonne. Outre le fait qu'elle tranche avec l'univers auquel elle nous avait habitués, elle entre dans la tête pour mieux en ressortir, elle ne marque pas. Un tube bien superficiel, en somme. Les autres morceaux, plus disco (les plus rapides aussi), quant à eux, sont carrément pires, puisqu'il leur manque l'ingrédient qui pourrait en faire des tubes – et ne parlons même pas des paroles de "Swing au pressing".

Du coup, c'est vers le reste qu'il faut se tourner. Bonne surprise pour ceux qui avaient été déstabilisés par la chanson-titre, ils peuvent retrouver la Françoise des grands jours. Sur des mélodies remarquables, HARDY renoue avec la bonne chanson. "Nous deux nous deux et rien d'autre" possède tout ce qu'il faut pour réussir à percer les coeurs (à défaut des charts) : des mélodies subtiles et magnifiques, un texte puissamment mélancolique, et une interprète qui sait faire preuve de retenue tandis qu'elle transmet des émotions. "Hallucinogène", pour sa part, pèche un peu par certaines rimes un peu limitées, mais les jeux de sonorités sur celles en ' -gene ' rendent la chanson encore plus intéressante. Mais le véritable clou du spectacle, si j'ose dire, est "Brouillard sur la rue Corvisard" : non seulement il s'agit d'un duo, mais c'est Jacques DUTRONC lui-même qui répond à sa femme. Rien que pour ça, le morceau vaut le détour, mais il est de plus aussi réussi que beau.

Avec de l'élagage, Musique Saoûle peut se placer au même niveau que les réussites de la période 1968-1974, rien que ça. On ne peut que reconnaître la bonne volonté de Françoise HARDY de se plier à son époque (ou alors c'est pour l'argent), mais s'il faut se fier aux morceaux les plus disco, les plus rapides, alors nul doute qu'elle n'y gagne pas forcément grand-chose.