Nouvelle décennie, nouveau Genesis. Cette fois-ci, ils ont changé, ce qui était prévisible après leur chant du cygne progressif sur le mésestimé ...and then there were three... A présent, on trouvera surtout des chansons normales, avec une sage alternance couplet-refrain, avec un chant à la fois moins investi et plus expressif de la part de Phil Collins. Une orientation pop encore renforcée par la production. Sur l'album précédent, les trois membres du groupe ne trichaient guère, et c'est un des problèmes invoqués par ses détracteurs... il y avait certes un certain déséquilibre entre les claviers et la guitare, l'absence de Steve Hackett se faisant nettement sentir. Alors, sur Duke, les claviers dominent toujours nettement, mais on sent une plus grande préparation des titres. De plus, le style est plus rythmique et moins romantique, ce qui permet à la batterie de Collins de mieux contrebalancer les mélodies électroniques.

Et donc, Duke est bien entendu une réussite. C'est un album de pop, oui, mais très honnête. Ce sont des couplets et des refrains avec peu de progressions dans les chansons, mais les mélodies et les arrangements n'ont rien perdu de la subtilité de composition de Genesis. Le seul reproche que j'aurais à formuler est un caractère un peu inégal des titres individuels des membres. Il est dommage que Duke ne soit qu'un demi album concept. Au départ, la suite «Duke» devait être d'un seul tenant, d'une durée d'une petite demi-heure, mais elle a été séparée en trois : le triplet du début, «Turn it on again» au centre, «Duke's travels/Duke's end» à la fin. Entre chaque paquet, une chanson de Banks, une de Rutherford, une de Collins. Au moins cette structure est-elle très claire, très systématique, mais ces six chansons ne sont pas toutes fabuleuses... si «Man of our times» et «Please don't ask» sont magnifiques, les autres sont tout au plus du bon remplissage mais qui, chose importante, colle bien stylistiquement avec la grande suite.

Parlons de celle-ci. Elle est loin d'être parfaite mais certains passages sont du tout grand Genesis. L'introduction de «Behind the lines», qui revient en plus complexe dans «Duke's end», est une des créations les plus impressionnantes du groupe. «Duchess», ensuite, magnifique chanson doucement rythmée et d'une nostalgie entêtante, débouchant sur le court mais étonnant «Guide vocal». Le fameux «Turn it on again» est un rock basique parlant de la télévision, amusant mais anecdotique. Enfin, le véritable clou de l'album est sans conteste «Duke's travels», suite instrumentale dans la suite, un des derniers grands moments vraiment progressifs de Genesis, où on voit bien que la guitare n'est pas forcément une nécessité.

Si on aurait tort de rejeter les albums suivants, les plus commerciaux, on peut raisonnablement dire que Duke est la neuvième et dernière grande œuvre de Genesis, et sans doute un des plus beaux albums de pop progressive - même s'il est difficile d'égaler Alan Parsons dans ce domaine. Les amateurs de prog doivent au moins prendre la peine de découvrir cette discographie exceptionnelle jusqu'ici.