Voilà un album qui ne cache pas ses ambitions commerciales, c'est le moins qu'on puisse dire. S'il est vrai qu'il est plutôt injuste qu'Invisible touch soit le plus connu de Genesis, il faut éviter de tomber dans le piège de la critique négative de principe. Oui, ce disque est un peu trop facile, il contient des tubes consternants au premier abord et parfois au deuxième. Et pourtant, on y retrouve le sens de la satire typique du groupe, et aussi quelques chansons fichtrement bien écrites. Banks, Collins et Rutherford avaient acquis une très grande expérience à cette époque. Ils écrivaient bien par habitude. Ensuite, il me paraît évident que ce disque-ci a été réalisé avec plus de sérieux que le précédent. Sur l'album sans titre, il y avait pas mal de remplissage, et le côté amusant (ou pas) était confiné au seul «Illegal alien». Ici, la musique est plus vivante, plus rythmée en général, les deux faces sont mieux équilibrées, il n'y a pas de passage vraiment inutile.

Si on n'est pas trop indulgent, on aura vite fait de considérer comme risibles trois des cinq singles de l'ensemble. Il est vrai que la chanson-titre peut difficilement être prise au sérieux, tandis que «Throwing it all away» est une ballade peu genesienne. Je laisse le bénéfice du doute à «In too deep»... si la mélodie est assez fade, l'orchestration est intéressante, on voit que Banks était tout-à-fait à la page avec ses synthés. Le reste est fort bon, peut-on prétendre le contraire ? «Land of confusion» est un hymne démagogique mais pas si inutile. Quoi qu'il en soit, un numéro très professionnel, des débutants n'auraient pu écrire quelque chose d'aussi propre. «Tonight, tonight, tonight» est magnifique et progressive, il ne faut surtout pas la sous-estimer. «Anything she does» montre que le groupe avait bien compris ce qu'était la new wave, c'est leur contribution au genre, très réussie avec un sujet décalé dont ils ont le secret. La première partie de «Domino» est superbe, tandis que la seconde rappelle un peu la fin de «The lamb»... je ne dirais pas que ce passage est bâclé, mais il est bien simple pour du Genesis, il faut l'avouer. Quant à «The Brazilian», n'en faisons pas le chef-d’œuvre qu'il n'est pas, mais c'est un bon instrumental, inventif et amusant, qui achève cet excellent album de pop de façon idéale.

Excellent, Invisible touch l'est manifestement. La pop des années 80 a ses défenseurs et ses détracteurs, mais il faut se rendre à l'évidence, Genesis s'y est parfaitement intégré. Qu'un groupe aussi ancien ait pu faire un tel carton au milieu de courant électropop est remarquable. De plus, il a mieux résisté à l'épreuve du temps que la plupart de ses concurrents, ses mélodies ont gardé tout leur pouvoir d'impact malgré les plus de 25 années qui se sont écoulées depuis la sortie.