L'histoire des BEACH BOYS a parfois des airs de gag, et c'est un peu ce qui arrive en 1973, tandis que le groupe s'est exilé aux Pays-Bas pour l'enregistrement d'un album remarquable. On le sait, Brian Wilson, la tête pensante, n'y a pris que petite part, co-écrivant deux morceaux et encore avec une certaine mesure, ne prêtant sa voix que pour les choeurs et le texte parlé d'un seul titre, quelques instrumentations aussi. Le reste du temps, il le passe avec sa famille, à écouter Randy NEWMAN et à rêver. Un rêve si grand et long qu'il lui donne envie de créer un conte musical !

Cela a beau aller dans le sens des moments très narratifs/contemplatifs que l'on trouve au coeur de Holland, fameux album résultant de ces sessions, les autres sont un peu pris au dépourvu, et l'expérience n'est pour ainsi dire pas vraiment acceptée. C'est Carl Wilson qui doit se battre aux côtés de son frère pour faire comprendre qu'un tel projet doit exister. Alors on trouve des compromis : ok pour le conte, mais en partie seulement, et pas sur l'album, non ! En mini-disque bonus qui accompagne l'album. Et le tout très simplifié, naturellement.

Brian a beau faire une tête d'enterrement, il a au moins un appui et parvient à garder une trace de son petit Mount Vernon and Fairway, raconté en grande partie par le manager des BEACH BOYS, Jack Rieley. Dans une famille royale d'une contrée lointaine, leurs majestés enfants découvrent un transistor magique qui renferme le pouvoir d'un joueur de pipeau (comme celui de Hamelin) émerveillant, mais qui disparaît une fois que plus personne ne pense à lui. En outre, Brian semble s'être pas mal inspiré de son cousin Mike, sa maison, le père Love qu'il a connu enfant... 12 minutes en boîte pour ce qui demeure plus qu'une parenthèse.

Mis à part quelques résonances savantes et bonnes idées comme ce thème principal joli de piano avec drôle d'harmonies au synthé Moog, l'écoute de cette expérience ne laisse pas un souvenir impérissable, c'est le moins que l'on puisse dire. La voix de Rieley fait bien le job du conteur audio, mais les rares interventions de chants sont brèves et constamment interrompues, réminiscences de la période psychédélique Smiley Smile/Friends etc. Brian tient le rôle court du flûtiste sur "Magic Transistor Radio", façon lutin farceur, et il faut ensuite attendre la chanson dédiée, "I'm the Pied Piper", pour retrouver un peu l'étiquette BEACH BOYS de marque, fugace pourtant.

Restent les ornementations a minima sympathiques autour du récit de Rieley, le couple orgue-Moog pour "Better Get Back in Bed" et aussi tout de même finalement les chants un peu plus savoureux de "Radio King Dom" qui ont un effet "Don't Worry, Baby", un des grands tubes du groupe. Le conteur finit de façon 'enthousiaste' en souhaitant aux enfants qui écoutent une bonne nuit. Pour mettre sous la dent, c'est peu, mais avec une telle pochette, on s'en doutait un peu. Et puis c'est déjà une forme de retour aux BEACH BOYS traditionnels, puisque ni Ricky Fataar, ni Blondie Chaplin n'y participent (leur histoire avec le groupe touche à sa fin).

La grande finalité de Mount Vernon and Fairway n'est pas la qualité - très relative - de ce qu'il contient, c'est surtout le plaisir de voir Brian, éternel grand enfant, n'en faire qu'à sa tête et se prendre pour Walt Disney. Il aura d'autres occasions de s'y prêter : déjà à l'époque il manque d'enchaîner avec un second conte mettant en scène ses deux filles, Carnie et Wendy, au retour de l'école et plongées dans un monde magique, qui semblait nettement plus intéressant. Abandonné, dommage !