Cinquième album en cinq ans, ce n'est certes pas tant que cela en ces années 70 si foisonnantes, pour les BEACH BOYS à ce stade de leur carrière. Ce serait même respectable si la qualité des albums s'accordait avec l'opinion publique – hélas, ce n'est guère le cas ! Il faut néanmoins savoir, chose qu'eux ne pouvaient alors deviner, que Keepin' the Summer Alive (1980), toujours distribué par Brother/Caribou/CBS-Columbia, est le dernier album régulier de la bande, en plus d'être le dernier sous le line-up classique.

La pochette, quoique bariolée, d'un goût qui aurait pu être meilleur, rien que dans le trait, est sans doute leur plus parlante de cette époque. De même, ce disque, bien qu'un peu moins bon que L.A. (Light Album) par certains aspects se rattrape avec d'autres, et une fois encore, la collection de chansons proposée fait mouche, même si faite avant tout pour contenter les attentes mercantiles de CBS (le disque obtiendra une meilleure place dans les charts, mais pas 'folle' pour autant). Même si Dennis Wilson, de plus en plus agacé depuis deux ans, claque la porte dès les premières journées d'enregistrement.

Il faut dire que son grand frère Brian, en qui le groupe croyait à nouveau pour une production riche, Brian toujours au plus mal, n'a pas été au rendez-vous malgré un enthousiasme 'à peu près' certain au départ. Suivant le jeu des chaises musicales, après avoir été absent en lead sur L.A. (Light Album), il chante davantage ici mais les décisions d'ensemble reviennent une nouvelle fois à Bruce Johnston qui avait fait du bon travail l'année précédente. Ce dernier signe une chanson, de même que Al Jardine tandis que Mike Love met davantage la main à la pâte, le plus présent au chant aussi avec Carl Wilson.

De nouveau, on a droit à l'exercice de la reprise mais une seule fois également, ouf ! Non contents de s'être déjà frotté à Chuck BERRY pour le meilleur (musicalement) et pour le pire (juridiquement), voilà déjà un certain temps, les BEACH BOYS laissent l'ami Al interpréter "School Day (Ring! Ring! Goes the Bell)", tube de l'année 1957 et souvent employé dans les comédies américaines avec des enfants/ados, des histoires d'école etc. Ce rock roulant chargé en choeurs garnements l'est aussi bien sûr en guitares – avec pour la lead Caleb Quaye, ancien guitariste d'Elton JOHN dont on parlait d'ailleurs sur l'album d'avant – mais également en piano grâce à un Don Randi, vieux compagnon de route, qui lorgne joliment vers Jerry Lee LEWIS.

Cet album étant fait un peu de bric et de broc à son tour, il met en exergue "When Girls Get Together", composition de Mike et Brian doucement feutrée dont l'enregistrement date de dix bonnes années plus tôt. Nostalgique et mignonnette mais pas si perdue car le choeur y sonne lointain, un peu comme "Sunshine" où le groupe nous refait le coup de la redite "Sloop John B" déjà répété sur l'album d'avant, avec encore des cuivres pour charger un titre blues à teneur ensoleillée. Au moins, il y a des steel-drums pour rendre le tout un peu plus sympa. Idem d'ailleurs de "Goin' On", sans doute pas la meilleure chanson signée Brian Wilson/Mike Love, mais avec un doo-wop rétro, sax à l'appui, qui leur convient mieux qu'à SUPERTRAMP.

Du côté de la soft-pop, ils sont toujours les maîtres insoupçonnés, mais en même temps, ils multiplient les emprunts au passé. "Oh Darlin'" est une chanson folk baroque au début ample et beau avant d'amener un refrain plus cuivré et des choeurs bien définis. "Some of Your Love" surprend avec son intro par un riff de sax baryton (!) mais c'est encore une très bonne surf-song du tandem Mike-Brian (bien que chantée par Carl) qui peut donc se targuer ici de cinq bonnes voire très bonnes chansons.

"Keepin' the Summer Alive", dont on a l'impression que les choeurs graves pitchés ont tourné en boucle depuis le dernier titre de l'album précédent, débute l'album avec un bon mordant teinté d'exotisme. Outre les harmonies inspirées par les éternels garçons de la plage ('Yeah-yeah anh-anh another keepin summer!' géniaux), il y a un petit solo de guitare par Carl (sachant qu'on entend aussi Joe Walsh des EAGLES en invité) frais comme un gardon. Carl co-écrit ce titre ainsi que le non-moins brillant "Livin' With a Heartache", sans doute l'un des titres les plus sous-estimés de l'époque avec cette country-rare soulignée de beaux claviers, aux changements rythmiques tout en élégance et coolitude.

"Santa Ana Winds", au fort bel arpège de guitare acoustique que l'on doit à Al Jardine (co-compositeur avec Brian), offre une pop-folk haute en couleurs, splendide grâce à sa mélodie autant que ses cordes, ses choeurs et ses interactions d'instruments (banjo, harmonica, guitare 'clean'). Et c'est finalement Bruce Johnston qui a le dernier mot avec l'incroyable "Endless Harmony" qui réveille les heures riches de Surf's Up (1971) juste avant son départ. D'abord une intro troublante au piano Fender Rhodes, puis sa voix suivie des choeurs du groupe avec des idées harmoniques dinguement belles. Aux deux tiers, la rythmique rentre pour une sorte de coda avec Carl au chant, un son et des arrangements un peu plus classiques, toujours de belles notes longues... De l'art, et comment terminer avec grâce cet album déjà plus qu'honorable?

Comment terminer aussi une part d'histoire chaotique, parfois déchirante. Les BEACH BOYS, perclus de conflits
et pourtant si soudés (malgré certains mal-être évidents comme ceux de Brian et Dennis) sur les images de tournée, le live grandiose à Knebworth en Angleterre trois mois après la sortie de cet album, vont perdurer pendant les années 80 et ensuite mais ne seront plus jamais les mêmes. Dennis Wilson, déjà très absent dans la création et presque totalement du dernier disque, miné par ses excès, ses errances et séparé de Christine McVie (FLEETWOOD MAC), se noie dans les remous de son bateau le 28 décembre 1983 sur la côte de Los Angeles, à Marina Del Rey.