Pourquoi ce disque ? La vraie question serait plutôt 'comment'. En tout cas, cela fait maintenant une dizaine d'années que les BEACH BOYS sont un groupe vocal, sans plus trop guère de recours aux instruments sur leurs propres enregistrements. Alors, tant qu'à faire, puisque Brian Wilson semble à sec (il a récupéré grâce à Melinda, nettement mais quand même, tout le temps qu'il est là, on lui demande s'il va bien dans le sens 'tu vas tenir, hein' ?), puisque le groupe a tenté d'exister sans lui et ne s'en est que plus mal sorti en termes de popularité, alors Stars & Stripes peut bien exister.

Un drôle de choix tout de même, ce titre, cette pochette. Les BEACH BOYS sont certes un emblème des Etats-Unis, mais de là à faire du stars & stripes, le drapeau américain, ainsi que d'une telle façade, un nouveau critère voulu comme large pour eux. Et pour la trame voulue, peut-être ne vient-elle même pas des principaux intéressés mais de leur entourage musical. En tout cas, là où l'on voit que les garçons de la plage désormais cinquantenaires bien tassés ont considérablement perdu de leur superbe (plus qu'avec des albums originaux pas mythiques pour un sou mais remplissant leur rôle), c'est à travers un hommage envers eux, par d'autres artistes, tandis qu'eux jouent le rôle de choriste.

D'autres artistes, parfois des stars, en tout cas affiliés au genre country. Sur le papier, Willie NELSON, l'un des ancêtres du genre, qui reprend "The Warmth of the Sun", ça a de la gueule. En vrai, c'est d'un niveau tout relatif. Comme lorsque Lorrie Morgan alias Loretta LYNN entonne "Don't Worry Baby", sauf qu'elle s'approprie mieux la chanson, avec le concours des castagnettes de la guitare western, et bien sûr de la meilleure section choristes masculins rêvée. Une jolie reprise, élégante, une chanteuse sensuelle à-propos pour un disque qui ne comporte que fort peu de voix féminines. Elle laisse augurer le meilleur pour la suite, tout en annonçant déjà un son assez propret.

La suite malheureusement ne tient point les promesses sur lesquelles on ne comptait pas. La grosse majorité des titres sélectionnés se situe dans la première partie de la carrière du groupe, encore sans barbe et avec des cheveux, la plus populaire en somme. Sauf qu'à part quelques guitares surf et harmonies bien pensées, il n'y a pas grand-chose à retenir des versions de "Fun Fun Fun" avec Ricky VAN SHELTON, étoile country des dix dernières années, "Long Tall Texan" avec Doug SUPERNAW, "Little Deuce Coupe" avec James HOUSE.

Au moins, même en grande simplicité, "Be True to Your School" avec Toby KEITH (autre sommité récente) se voit réarrangée, mais sans son côté déluré, elle n'en récupère que trop en linéarité. Il y a un peu d'énergie dans "409", ancienne face B des débuts, une très bonne interaction entre le chant de Junior BROWN et les choeurs des BEACH BOYS, de même que sur l'immanquable "I Get Around". Sauf qu'ici, le chanteur Sawyer BROWN avec sa voix typée 'hard US' n'est pas des plus adaptés, comme d'ailleurs le gros son voulu qui pourtant s'écarte un peu de l'ambiance 'karaoké' de la plupart des autres, même avec de vrais instruments en priorité, un comble.

Si T. Graham BROWN fait ce qu'il peut sur "Help Me, Rhonda", avec la maladresse de coller un phrasé ternaire sur un nouveau rythme binaire (cela dit, il y a ce piano très félin !), on peut trouver des qualités à "Sloop John B", premier extrait post 65 et l'un des deux seuls gardés de Pet Sounds (1966), avec le chanteur Collin RAYE. Le glockenspiel est toujours présent, il y a de belles guitares arpégées mais également une batterie solide, une pedal-steel et cette variation bluegrass étirée, loin d'être incongrue.

Une première vraie réussite, enfin, depuis "Don't Worry Baby" par Loretta LYNN, et la suivante est encore l'oeuvre d'une chanteuse, la seule autre (sans doute un des points négatifs de ce disque). Quoique méconnue en Europe, Kathy TROCCOLI, affiliée à la pop chrétienne d'habitude, possède une voix proche d'Anna LaCazio (COCK ROBIN) bien qu'elle l'ait précédée de peu, et toujours avec le choeur des 'vieux' garçons de la plage, propose "I Can Hear Music" de l'excellent album 20/20 (1969). Exercice appréciable, avec le saxophone ténor rugueux de Richie Cannata.

Autant dire que les points positifs de ce Stars & Stripes vol. 1 (qui heureusement n'a pas de volume 2 existant, au final) se situent au début du disque, un peu, et surtout à la fin, car on peut valider encore ce joli "Caroline, No" par Timothy B. Schmit, bassiste au pédigrée classieux : POCO et les EAGLES, rien de moins. Sa voix étrangement proche de Brian Wilson dans sa jeunesse fait merveille sur cette ballade pop inestimable qui s'en trouve plus qu'honorée, de même avec le solo de flûte et les voix des BEACH BOYS dans le lointain en conclusion, Carl en tête. Carl Wilson, bientôt le regretté.

En 1996, les Californiens s'acoquinent plus que de raison avec STATUS QUO, groupe anglais légendaire de rock/hard-rock, ils tournent même ensemble. Au-delà de l'alliance Mike Love/Francis Rossi, pour parler de leaders controversés, la fin des années 90 marque un nouveau 'fond atteint' pour les BEACH BOYS avec le décès de Carl, un an après avoir commencé de lutter contre un cancer du foie et quinze années après son grand frère Dennis, laissant l'aîné Brian unique Wilson encore en vie. Le groupe a perdu un de ses piliers conciliateurs, ce que Al Jardine et Bruce Johnston peuvent encore être, mais pas suffisamment pour empêcher les années de défiler ensuite et de façon massive, sans que rien ne voie le jour. Rien de neuf, pas rien tout court.