The M.I.U. Album, le disque de tous les dangers ! Une période bien difficile pour les BEACH BOYS, notamment Brian Wilson qui, une fois de plus, doit compenser avec l'échec commercial de Love You (1977) très marqué par son génie. Il avait de la matière pour un deuxième album similaire nommé Adult/Child que la maison de disques Reprise finit par refuser, avec l'appui du tandem Mike Love/Al Jardine qui ne veut pas laisser les errances de Brian court-circuiter le retour du succès du milieu de la décennie.

Ce qui ne signifie guère que le MIU Album, dernier sorti chez Reprise, sauve les meubles, et pour cause ! La réputation déteint sur l'approche : il suffit de savoir que l'enregistrement s'est fait sous la pression de Mike Love, loin de la Californie et ses plaisirs, pour naître parmi ceux plus humbles en apparence de la méditation transcendantale, dont le chanteur-cousin de la famille est grand adepte. Du coup, cela se passe au grand centre principal créé par le grand Mahesh Yogi – influence des BEATLES et tant d'autres en cette matière -, la Maharishi International University (MIU, de quoi vous expliquer le titre de l'album !) à Fairfield, aux confins sud-est de l'état de l'Iowa, souvent pointé du doigt pour décrire l'Amérique profonde de façon caricaturale.

Comme d'habitude, on ne se doute pas, à l'écoute ni même à la lecture des credits, d'une gestation aussi bordélique. Dennis, qui parle une fois encore de quitter le groupe, est en pleine promotion de son album solo et ne participe que peu, jouant la batterie de "She's Got Rhythm", chantant simplement "My Diane" (dédiée à Diane Rovell, soeur de Marilyn la première épouse de Brian Wilson, avec qui elle a souvent fait des choeurs pour les BEACH BOYS) et faisant peu de choeurs ailleurs. Carl, lui aussi toujours occupé ailleurs, ne passe que deux jours à la MIU, et chante simplement la très Motown "Sweet Sunday Kinda Love". Les chansons avec Dennis sont plus notables, "My Diane" comme slow mais aussi et surtout "She's Got Rhythm" par sa bonne efficacité, à la fois boogie et rêveuse, au saxos puis aux flûtes bien marqués.

Le reste du temps, Brian, se fichant des aphorismes hindous, retombe dans sa dépression, vit mal cette retraite dans un patelin où il ne peut même pas bien manger, et préfère jouer au ping-pong avec son garde du corps. Il compose pourtant pas mal, aux côtés du cousin Mike Love, avec aussi l'aide d'Al Jardine et de Ron Altbach, claviériste de leurs tournées, qui produisent l'album. Parmi les trois reprises proposées, dont "Peggy Sue" de Buddy HOLLY qui devient un hit mineur ainsi que "Come Go With Me" des DEL-VIKINGS au sax rutilant tout comme le remaniement doo-wop bien à la BEACH BOYS, Altbach soumet un morceau de son ancien groupe, KING HARVEST. Chantée par Mike et Al, "Winds of Change" et son grand piano avec cordes, pourrait être un générique de film, en tout cas fait preuve d'une certaine classe.

Un peu à l'image de l'album en fait, voire de toute cette période dont s'écarte Love You (1977), détestée, incomprise. Le manque d'audace n'est pas synonyme d'échec musical et ce M.I.U. Album, sorti de son contexte bouddhisme rocambolesque et d'une pochette bien terne, demeure tout à fait sympathique. Les morceaux auxquels Dennis participe, même de loin ("My Diane" étant une chute studio de Love You) sont tout à l'honneur des BEACH BOYS. La pop adolescente de "Wontcha Come Out Tonight?" réunissant les meilleurs ennemis, à savoir Brian et Mike, se laisse bien écouter, de même que "Hey, Little Tomboy" un peu plus en mode chant de Noël (multipliant les enregistrement, le groupe a d'ailleurs à l'époque un album dédié sous le bras). Quelques images de la Californie lointaine transparaissent sur "Kona Coast", entre accordéon et pedal-steel, éléments Motown également, non sans plaisir.

Très léché parfois et trop consensuel pour plaire aisément (et c'est compréhensible) par rapport aux albums du début de la décennie, M.I.U. Album contient tout de même le séducteur "Belles of Paris" où Mike multiplie les clichés (pour le compte du Yogi, il a été les mois précédents en France mais plutôt du côté de Vittel, en Suisse vaudoise également). Et il y a mieux : "Pitter Patter", sans doute le meilleur titre de l'ensemble (bien plus que la reprise de "Come Go With Me" présente sur les best-of). Géniaux, cette batterie de Mike Kowalski, ce blues-rock tranquille avec synthé rythmique, ces vocaux menés par Al et Mike, ce côté lumineux avec pedal-steel guitare...

Et puis une chose que l'on remarque avec cette seconde face mais particulièrement ce titre : quand il n'y a pas de saxos ni cuivres, c'est très bien aussi ! Une chose qui a été oubliée sur 15 Big Ones (1976) par exemple. Constatation égale pour "Match Point of Our Love", autre petite perle cachée et chantée par Brian seul, ambiance plage de Caraïbes, batterie + congas groovy, nappes de cordes et remontée de guitare électrique 'clean' superbe à la fin. De la vraie soft-pop, genre mal-aimé des rockeurs, mais dont les BEACH BOYS vont se gargariser pour l'album suivant, qui sera encore meilleur !