New England avait sonné le glas du contrat avec Virgin, Gypsy Suite marque le début d’une nouvelle ère pour Ant : Voiceprint. Avec ce nouveau contrat en poche, et cette fois pour une longue durée, le voilà enfin tranquille, il bénéficie d’une certaine indépendance. Autant dire que c’est une belle période qui commence pour lui, et il en profite pour se faire plaisir...

...Et nous faire plaisir à nous aussi par la même occasion, en ressortant un de ses vieux travaux. La "Gypsy Suite" a été composée avec Harry WILLIAMSON et à la même époque que Tarka, au milieu des années 70. Mais l’esprit est assez éloigné du classicisme de la loutre, puisqu’ici ce ne sont que des guitares (l’un est à la 6 cordes, l’autre à la 12). Il est déjà intéressant de lire les quelques notes à l’intérieur du livret, Ant et Harry y détaillant les différents accordages qu’ils ont utilisés. Sans atteindre la portée mythique de Tarka, la musique de Gypsy Suite révèle tout autant d’intérêt. Il y a une certaine magie dans les arpèges quasi-hypnotiques de "First Light" et ceux en accéléré de "Evening Circle", évoquant bien les événements nocturnes dans la communauté gitane. Que d’ambiances feutrées sur ces deux morceaux, à l’image de la pochette du disque. Le doux "Siesta" rappelle quant à lui la tranquilité de la journée. Mais le meilleur reste le très dynamique "The Crystall Ball", qui s’étend sur pas loin de dix minutes. Les guitares y sont de fête, accomplissants des envolées joyeuses parfois. Avis à tous les sceptiques envers la musique purement acoustique, on ne s’ennuit pas une seconde.

Mais cette Gypsy Suite n’est pas la seule curiosité du disque. Ant a aussi ressorti la première vraie version de Tarka, ni démo ni finalisée, disons entre les deux. Une maquette quoi. Tout n’est joué que par les deux jeunes musiciens, guitares et claviers. Ce qui permet de redécouvrir cette ½uvre magnifique sous une forme plus épurée, et de s’apercevoir des changements qui ont été effectués par la suite. Parmi ceux-ci, pas grand-chose, sinon qu’ici, "Moonfield" termine l’ensemble de manière éthérée, en reprenant le thème flottant de piano du début des deuxième et troisième mouvements, et l’on se dit que l’on est bien content d’avoir eu droit à la "Anthem" (bien qu'elle ne comporte pas l'empreinte d'Harry WILLIAMSON) sur la version finale qui est donc beaucoup moins frustrante ! Du reste, on retrouve les moments qui font la beauté de cette dernière, que ce soient l’interlude "jazzy" (moins jouissif) ou le fameux thème "royal" du second mouvement, ici joué avec des synthés en fond, tout aussi splendide.

J’aimerais conseiller aux intéressés de se procurer ce disque avant Tarka même, car après tout il vaut mieux écouter Gypsy Suite en ayant une base, pour ensuite aller vers le sublime. L'inverse, ça donnerait un disque génial, et son pendant maquette moins intéressant après. Même écoutée à la suite de Tarka, cette maquette garderait l'intérêt de présenter le cheminement de cette oeuvre magistrale. Et puis repousser ce disque, c'est sans compter sur l'efficacité de la "Gypsy Suite" qui se trouve à côté, car n'oublions pas que c'est elle qui donne son nom à cette oeuvre publiée en 1995. Au moins, si on a l'un de ces deux disques, l’autre devient indispensable !