La deuxième moitié des années 90 est le temps des collaborations pour Ant. Après Gypsy Suite et The Meadows of Englewood, le voici de retour avec son fidèle compagnon Joji HIROTA, percussionniste et flûtiste japonais que l'on connaît depuis l'époque Invisible Men. Ce qui nous donne ce troisième volume de la série Missing Links, qui est pour rappel celle des travaux d'Ant dans le domaine de l'illustration sonore. Entièrement coécrit avec Joji HIROTA ou presque, Time And tide est un rassemblement de morceaux créés et enregistrés entre 1992 et 1997. Seul "Back in the Land of Dragons" provient de la plume d’Ant seul et le morceau "Shadow Puppet" est une collaboration avec Adrian LEE (l’ex-clavier de Mike & The Mechanics ?).

En termes de collaboration, Time And tide est et reste la plus fructueuse de la carrière d’Ant, on peut dire aussi la meilleure. L'essentiel est basé sur un mélange de claviers et de percussions, avec renfort de flûtes et, plus rarement, de guitares. Le résultat, propre au genre new-age dans lequel Ant évolue surtout depuis Slow Waves, Soft Stars est absolument magnifique, le travail réalisé par les deux hommes est pour le moins somptueux.

Il y a donc un mix de morceaux rythmés et d’autres plus planants. Ces derniers se classent parmi ce qu’Ant a fait de mieux en matière de musique "tranquillisante", pour ne pas dire de relaxation. Les trois premiers morceaux, "SongoKu", "Slow Boat to China", sont autant d’exemples de pièces douces magiques et très agréables, propices à la plus grande détente.

A l’inverse, "Turtle Race", "Sandstorm", "Bedouin Train"… des titres sur lesquels tout le talent de Joji aux percussions est mis en valeur ! Cela ne signifie pas qu’ils sont plus "agressifs", simplement plus enlevés. Et l’alchimie entre les percussions et les ambiances qui s’échappent des claviers d’Ant en est réellement parfaite, on est à la limite du merveilleux. Ca bouge plus, mais l'ensemble offre quand même une atmosphère très reposante et contemplative.

Comme on pouvait s’y attendre, une bonne partie de ces morceaux sonnent plutôt asiatiques, mais certains se détachent comme "Amazonas" (qui ainsi que le prouve le titre, évoque l'Amérique du Sud, les Andes), "Fiesta Del Charangos" (avec Ant au... charango, un cousin du ukulélé), le calypso "Shadow Puppet"… Et les pièces rythmées évoquent souvent plus les déserts africains que le Japon.

Quant à l’instrumentation, elle est très aérée grâce à l’utilisation de flûtes bien placées, mais aussi aux rares interventions des guitares, sur les très plaisants "Under Desert Stars" et "Sea Jewel" (avec une 12 cordes et des sonorités très aquatiques).
Avec une telle flopée de morceaux (près de trente quand même), on pourrait craindre la redite, voire l’ennui. Il n’en est rien. En fait peu de morceaux se ressemblent et à chaque fois c’est voulu, comme "Peruvian Plains" qui reprend le thème de "Amazonas", et "Sacred Kingdom" celui (très éthéré) de "Manatee Garden" et aussi de "Amazonas". Ces clins d'œil donneraient presque un air de concept album instrumental à Time And Tide. Quant à l’ennui, il n’en est même pas question. Les morceaux rythmés sont judicieusement placés, les pièces ne sont pas très longues (certaines comme "End Theme For Five" gagnent grâce à leur concision), et très peu de moments sont moins captivants que les autres.

Une superbe réalisation qu’il faut avoir dans sa discographie, pour tout fan de new-age qui se respecte, voire de world music à l'occidentale. Un petit bijou qui ne demande pas tant de temps à se révéler, au contraire, la magie opère dès la première écoute. Ajoutons à cela une production lumineuse qui met bien chaque instrument en valeur.