AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Ant me surprendra toujours… A peine remis du choc émotionnel provoqué par un chef-d’œuvre tel que New England (huitième opus de la non moins géniale série Private Parts & Pieces), on passe à l’un des disques les plus spéciaux de sa carrière. Il est étrange de parler comme cela puisque spéciaux, ils le sont un peu tous au final.

Sail the World est le titre donné à cette musique particulière, écrite pour illustrer les reportages télévisés de la Whitbread (93 / 94), une course de bateaux qui est à l’Angleterre ce que le Vendée Globe est à la France. C’est l’un des albums pour lesquels Ant se retrouve le plus conditionné, on se doute bien qu’il ne peut pas écrire n’importe quoi !

Et le pire, ou plutôt le meilleur, c’est qu’il réussit encore une fois son pari. La musique de Sail the World est une musique joyeuse, conviviale et très ensoleillée. Instrumentale, comme on peut s’en douter, presque uniquement composée de claviers et de boîtes à rythmes, avec Joji Hirota, dorénavant percussionniste "habituel" d’Ant, en renfort sur deux titres ("Salsa" et... "Salsa"). On note aussi une guitare électrique occasionnelle, toujours bien placée. Beaucoup parmi les fans d'Ant (si tant est qu'il ait beaucoup de fans) pourraient être déçus qu'il favorise autant les synthés mais c'était, il faut bien le dire, nécessaire pour un tel contexte.

C’est une œuvre qui sonne assez accessible, même les plus simples plages de synthés ne sonnent pas improvisées. On trouve des thèmes rythmés plus ("Cool Sailing", "The Fremantle Doctor") ou moins ("In the Southern Ocean", "Big Combers") réussis. Certains sont dénués de boîte à rythmes, comme "In the Doldrums", "Long Way From Home" et "Wildlife Choir", et cela renforce leur charme. Cette dernière est particulièrement magnifique avec des sonorités très aquatiques. Comment ne pas voir le soleil brillant sur l’eau, comment ne pas penser à Eric Serra, en plus modeste toutefois ?… "Wildlife Choir" fait aussi partie des thèmes les plus élégants avec "Lonely Whales" ou encore "I Wish This Would Never End", la plus jolie de toutes avec son petit thème de guitare très mélodique et relaxant, un morceau sur lequel on imagine la brise marine caressant nos visages...

Que de beaux morceaux, le reste est assez agréable sans être pour autant forcément égal sur la totalité. Les derniers morceaux en particulier, avant "Heading for Home & Victory", ne sont pas d'un niveau des plus intéressants. Petite remarque concernant "Salsa", ce n’est pas exactement deux fois le même morceau : sur la seconde, il y a un thème de clavier en plus, et ça rend beaucoup mieux que sur le premier qui devient sympa, sans plus après cela.

Sympathique album, mais ne reflète pas pour ainsi dire le génie d’Ant, telle est la formule. J'entends par là le génie de se démarquer, pas forcément d'inventer comme sur un 1984 ou un Slow Dance, mais d'aller là où on ne l'attend pas car rappelons que depuis The Geese & the Ghost, pas un album n'a été similaire au précédent. Par contre, s'il y a bien une chose que l’on peut saluer dignement, c’est la faculté d’adaptation de l’artiste, une fois de plus prouvée, ainsi qu'un effort somme toute fort appréciable. On peut dire que c'est ce qui fait le principal intérêt du disque.