Ce n'est pas que j'aime faire ça, mais dernièrement l'envie m'a pris de comparer les productions «classiques» des anciens membres de Genesis. Hé bien il n'y a pas photo. Peter Gabriel s'en est bien sorti, mais ses oeuvres de la sorte sont des reprises donc ça ne compte pas. Certes, Steve Hackett a fourni de beaux efforts. Mais là où le décalage reste le plus grand, c'est entre Anthony Phillips et Tony Banks. Autant je ne porte aux expériences de ce dernier qu'une appréciation polie (et un peu forcée), autant Ant aura toujours su m'émouvoir de manière assez forte et avec sincérité, et pas que du côté classique d'ailleurs.

Voilà que tout juste un mois après Tony Banks, il nous revient par le biais d'un album, double s'il vous plait ! C'est en fait l'occasion de présenter tout un travail réalisé avec le compositeur et arrangeur Andrew Skeet. Issu du Royal College of Music de Londres (comme beaucoup de musiciens qu'Ant a côtoyés quand ce n'était pas la Guildhall), Skeet a collaboré avec des artistes divers comme George Michael, Suede, Sinead O'Connor ou encore Neil Hannon de The Divine Comedy. Il a aussi fait beaucoup de musiques de films et de télévision. Seventh Heaven contient donc le fruit du travail des deux hommes, plus conjoint qu'autre chose (bien que certaines pièces soient d'Ant seul) et réparti sur deux CDs d'une petite heure chacun.

C'est le type de recueil dans lequel peuvent aisément piocher tous ceux qui, pour leur film ou autre recherchent une musique aussi simple qu'expressive et qui joue parfois sur de la diversité. En réalité, beaucoup de thèmes présentent une configuration de guitare acoustique et ou de piano accompagnés par l'orchestre, principalement des sections de cordes. La durée peu conséquente de la plupart participe à donner déjà un esprit d'illustration de scènettes poétiques, romantiques, pas nécessairement aventureuses. On retrouvera dans ce style les quelques reprises d'Ant lui-même, toutes extraites de son album Field Day de 2005 («Credo», «Rain on Sag Harbour», «River of Life», «Sojourn» et «Kissing Gate») et qui nous permet de redécouvrir ces pièces sous un autre jour, de manière plus exquise encore grâce à un orchestre finement utilisé. Ajoutons aussi pour en terminer avec les reprises, le fameux «Nocturne» (1973, publié en 1980), toujours d'une délicatesse à couper le souffle.

Les pièces plus originales sont celles qui jouent le plus sur la diversité. «Credo in Cantus» contient la participation de la soprano Lucy Crowe et on en trouve une version instrumentale au début du deuxième CD. De même, pour la pièce la plus jazzy «Ghosts of New York» qui utilise des vents solennels et «à l'ancienne» au départ, on dispose également d'une version au piano seul au moins aussi belle. «A Richer Earth», «Grand Central», «Shipwreck of St Paul», «Cortege», «Long Road Home», «The Golden Leaves of Fall», «The Lives of Others» ainsi que «Forever Always» sont d'autres thèmes magnifiques où la sensibilité s'exprime par un jeu de cordes, ou plus rarement de vents très soignés. Sur «Under the Infinite Sky» (plus tard repris seulement aux guitares) comme sur «Speak of Remarkable Things» les cordes se feront plus frileuses et l'hiver s'installe pour «Forgotten Angels» (Ant et Andrew auraient pu écrire la musique d'Harry Potter, en plus noire encore) ou encore le splendide «Ice Maiden».

On ne peut hélas pas citer tous les titres, mais disons que malgré cette simplicité, le duo de musiciens sait aussi nous proposer des idées plus osées, comme d'abord cette nouvelle «Desert Suite», forcément connotée orientale musicalement, et où est invitée Belinda Sykes, mais aussi Martin Robertson (clarinette et taragoto) et Paul Clarvis (percussions). Soit l'équipe du «Sunrise and Sea Monsters» d'il y a vingt ans -album New England-. Plus solide encore reste la «Old Sarum Suite» qui nous propose un voyage en contrées baroques autant que moyenâgeuses assez fantastique.

Seventh Heaven peut, comme beaucoup de doubles albums, paraître long aux premières écoutes et avec forcément un impact moindre selon les moments. Pourtant rien n'oblige à l'écouter d'une traite, mais surtout on trouve dans chaque morceau des idées qui suscitent constamment l'intérêt, et la plupart suffit à élever ce disque au rang de pure merveille. Je le note généreusement car non seulement musicalement ce n'est pas volé, mais en plus cela me fait plaisir de voir Ant toujours aussi inspiré après tant d'albums, et Andrew Skeet a mis ses talents au service de cette sensibilité avec la plus grande justesse. A l'image de sa pochette, Seventh Heaven est élégant, onctueux, exquis.