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David BOWIE - David Bowie (1967)
Par BAAZBAAZ le 1er Mai 2013          Consultée 11631 fois

Et si David BOWIE avait donné le meilleur de lui-même dans les années 60 ? Si cette période de galère, qui le voit tâtonner vainement à la recherche du succès et tenter les expériences musicales et théâtrales les plus diverses, avait été la plus fructueuse ? L’adversité nourrit l’inspiration bien plus que le confort, et ce merveilleux premier album, né dans le doute, le prouve aisément. Car BOWIE, rappelons-le, n’est pas apparu d’un coup de baguette magique pendant ce fameux été 1969 au cours duquel il parvient enfin à toucher brièvement le grand public avec la sympathique mais pataude Space Oddity. Au contraire, cela fait déjà plusieurs années qu’il écume les salles anglaises, se produisant sous le nom de Davie (ou Davy) Jones, accompagné de groupes tels que THE LOWER THIRD ou THE BUZZ.

Une évidence doit donc être rappelée : né en 1947, BOWIE est à quelques années près de la génération des Pete Townshend, Roy Wood ou Jeff Lynne. Sa percée plus tardive (que l’on peut dater de 1972) ne doit donc pas occulter le fait que, comme pour eux, la seconde moitié des années 60 fut son terrain de jeu. C'est à cette époque qu’il trouve sa vraie vocation, qu’il se goinfre de l’incroyable atmosphère de créativité londonienne et compose ses premières chansons. Surtout, c’est au cours de ces années-là qu’il commence sa longue carrière d’imitateur de génie, courant après toutes les modes musicales pour les plagier et les transcender, sans jamais rien inventer mais en dévoilant la quintessence de tous les genres qu’il s’approprie.

Dès 1966, David Jones se joint ainsi à l’hystérie mod, signe chez Pye et lâche une poignée de singles explosifs, classieux et affutés. Mais sa musique résonne dans le vide. La concurrence est rude et tout le talent qu’on peut y entendre – non pas sous une forme brute, mais déjà raffiné et minutieux – ne suffit pas à ouvrir les portes du succès. Assoiffé de reconnaissance, fou d’ambition, le jeune prodige est frustré. Viré de son label, il trouve refuge chez Deram où son manager Ken Pitt lui dégotte un contrat pour un album entier. En novembre 1966 commence ainsi la gestation d’un petit chef-d’œuvre oublié qui, à l’ombre de sa discographie des années 70, n’en est pas moins un disque passionnant.

L’enregistrement prend plusieurs mois et l’album est prêt en février 1967. Rompant avec le style mod et ses strictes influences R&B, BOWIE amorce en studio une mutation à travers laquelle il pose les bases de sa carrière à venir. Fasciné par l’acteur et chanteur ANTHONY NEWLEY, dont la chanson "Strawberry Fair" est pour lui une révélation, il intègre l’influence du Music-Hall et transforme sa manière de composer et de chanter. Le premier single issu de cette évolution est "Rubber Band" : intense et mélodramatique, c'est un festival maniéré de trompette, hautbois et tuba. Une délicieuse fanfare néo-édouardienne qui possède un arôme paradoxal, à la fois désuet et typiquement 60’s.

BOWIE, en se tournant vers le Music-Hall, est en fait pleinement dans l’air du temps. A la même époque, les BEATLES prennent une direction semblable avec "When I'm Sixty-Four", suivant en cela la voie ouverte par les géniaux KINKS ("Sunny Afternoon") et bientôt arpentée par Jeff Lynne et THE IDLE RACE. Et le reste de l’album est tout aussi réussi, enveloppé d’une mélancolie délicate et magnifié par des arrangements d’orfèvre. Ainsi, "Sell Me a Coat" et "Love You Till Tuesday" sont de petites sucreries exquises et teintées d’amertume, alors que "Little Bombardier" est une sorte de valse triste. A la façon de "She’s Got Medals", aussi entraînante que futile, tout le disque repose sur un équilibre fragile entre finesse et dérision et constitue un assemblage intrigant de chansonnettes mémorables.

Il y a bien çà et là quelques dérapages. "Please Mr. Gravedigger" est une ridicule narration finale, largement superflue. Mais, à l’inverse, l’écoute de la douce "There Is a Happy Land" ou de la trépidante "Join the Gang" révèle l’essentiel : l’album est l’un des meilleurs de BOWIE, de très loin supérieur aux insupportables Space Oddity et Young Americans ou à tout ce qu’il a pu faire depuis Let’s Dance, sa créativité s’effondrant au fur et à mesure de son embourgeoisement. Hélas, lorsqu’il sort en juin 1967 après plusieurs mois d’atermoiements de Deram, c'est un échec monumental alors même qu’il était en phase avec les goûts de l’époque. Sans doute lui manque-t-il la colonne vertébrale plus pop-rock qui permet à Paul McCartney ou à Ray Davies de connaître la gloire avec la même recette.

Malgré cela, ce premier album est crucial pour BOWIE. Le maniérisme, le côté théâtral et la sophistication vont demeurer sa marque de fabrique et s’exprimer à partir de décembre 1967 au sein du spectacle Pierrot in Turquoise. Aux côtés du mime et danseur Lindsay Kemp, autre influence majeure de ses jeunes années, il y perpétue un temps le même style de musique avant de commencer à évoluer vers le folk plus sombre et dépouillé de Space Oddity. Le reste appartient évidemment à l’histoire. Mais les réussites ultérieures ne doivent pas faire oublier ce coup de maître initial. En 1967, BOWIE sort un disque que l’on ne saurait traiter avec condescendance sans commettre une injustice et manquer quelque chose d’essentiel à la compréhension de cet artiste.

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   (2 chroniques)



- David Bowie (chant, guitares, saxophone)
- Derek Boyes (orgue)
- Dek Fearnley (basse)
- John Eager (batterie)


1. Uncle Arthur
2. Sell Me A Coat
3. Rubber Band
4. Love You Till Tuesday
5. There Is A Happy Land
6. We Are Hungry Men
7. When I Live My Dream
8. Little Bombardier
9. Silly Boy Blue
10. Come And Buy My Toys
11. Join The Gang
12. She's Got Medals
13. Maid Of Bond Street
14. Please Mr. Gravedigger



             



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