La carrière de Julien CLERC ne souffre d'aucune baisse de régime lorsque pointent les années 90. Pourtant, c'est un événement triste qui préside à la création de son seizième opus en 1992. Julien est convié aux obsèques de Nadine, l'épouse d'Etienne Roda-Gil, son parolier historique, brouillé alors avec le chanteur depuis une dizaine d'années. Les deux hommes se retrouvent et rapidement la symbiose renaît avec encore plus de puissance qu'auparavant. Etienne écrit des textes aussitôt mis en musique par Julien. Pour la première et unique fois de sa carrière, un album de Juju est composé par seulement deux auteurs.

C'est la plus belle chanson de cette livraison qui en est le porte-étendard : "Utile" glisse tranquillement vers le sommet des charts avec beaucoup d'allant. Douce et inflexible, c'est l'une des plus belles de Julien CLERC. Il y évoque à la fois des éléments poétiques et engagés, graves ou légers. L'orchestration est somptueuse, les paroles magnifiques. A quoi sert une chanson si elle est désarmée ? Quoi de mieux dans la chanson populaire ?
On fait ensuite le grand écart avec le deuxième single, le tressautant "Noé". Difficile de dire s'il s'agit du personnage biblique. Tout ceci sonne plus vaudevillesque qu'autre chose. Mais, finalement, les préoccupations de Julien sont certainement plus écologiques et sociales qu'on ne voudrait le croire. C'est en tout cas fort réussi.

La mignonne "Free Demo" sort en duo avec TONTON DAVID. L'ambiance estivale à souhait nous plonge dans le bain antillais habituel de l'artiste.
"La belle arrive" est une chanson traditionnelle dans le répertoire de notre Juju. Les gimmicks des seventies sont de retour, avec une belle orchestration et un tempérament romantique de première bourre. Très sympa.
La moderne "Amazone" clôt la ronde des singles de cette livraison 92. Son refrain archi-connu Amazone à la vie est de toute beauté, une vraie petite merveille. Le chant de Juju ressemble ici beaucoup à celui d'Alain SOUCHON.

Soulignons aussi la douce mélopée de la courte "New Virginia", le piano monolithique de "Charpie de chapka", composée en mémoire de son grand-père militant communiste. Honnêtement, "Ballade en blanc" est fort aimable également, et l'ambiance jazzy de "Coquetier bleu" ne dépareille pas non plus.

jamais l'inspiration n'a semblé aussi forte sur un album de Julien CLERC. Nous sommes probablement ici au pinacle de ses capacités d'écriture. Il en est de même de Roda-Gil qui se surpasse à chaque texte. Cet album de très haute volée honore ses auteurs. Vraiment conseillé.

Ce superbe album mérite un 4 incontestable.