Ainsi est arrivé le moment fatidique. Celui où l'on tourne définitivement le dos. On appelle ça le point de non-retour. C'est Geralt qui retrouve Ciri sur l'ile des brûmes, c'est Hitler qui envahit la Pologne, c'est Maddie et David qui décident de se mettre ensemble : plus rien ne sera comme avant. Les derniers albums de Farmer, et quand je dis les derniers j'entends une bonne demi-douzaine, étaient fort déséquilibrés, voire oubliables (Monkey Me), mais ils avaient toujours une petite partie, quelques chansons, intéressante et qui permettait de pardonner, même difficilement.

Et puis surtout, mauvais ou pas, c'était du Farmer.

Là, nous en sommes arrivés à niveau de putasserie olympique. Les deux-tiers de ce disque ne sont pas du Mylène FARMER, stylistiquement parlant. Ou juste par bribes, des bribes passéistes qui font plus pitié que sourire (la comptine de "Sentimental", les claviers de "Désobéissance" bien que la chanson en elle-même ne soit pas désagréable). Le reste du temps, Mylène tente le grand chelem NRJ - Skyrock - Fun Radio avec des mélodies oubliables et mille fois entendues, des arrangements electro-r'n'b entre tout juste corrects et calamiteux ("Prière", un vide intersidéral), et des tentatives de hits.

Alors oui, "Rolling Stone" et "N'oublie pas" fonctionnent en tant que singles... de SIA ou de Taylor SWIFT. "Rolling" a pour lui une certaine efficacité, et "N'oublie pas" se laisse écouter à force d'être matraquée mille fois par jour, ce qui n'empêche pas le featuring de LP de ne définitivement pas passer - le ton de voix, l'autotune, l'oversinging, pitié ! Mais ce qui est le plus embêtant, c'est que ces deux gros singles relativement médiocres sont meilleurs que d'autres titres. Et en ceci, on peut clairement classer "Histoires de fesses" comme la pire bouse jamais sortie des studios de FARMER. Une honte à côté de laquelle "QI" fait office de chef-d'oeuvre. Et que dire de "Au lecteur", mal placée, incongrue, qui tente de surfer sur la frange gothico-metalleuse de ses fans (frange fondant comme neige au soleil) avec des synthétiseurs cheap au possible et une diction qui rappelle la recette du clafoutis aux cerises par Mercotte ? Qu'il est loin le temps de Ainsi Soit-Je...

Heureusement pour la belle rousse, il y a le dernier tiers, où malgré un côté tiède ("Retenir l'eau", trop FARMER-by-the-numbers) et parfois maladroit ("On a besoin d'y croire"... d'y croire, ou d'amour XXL ?), on a... du Mylène FARMER. Un peu gothique, un peu suicidaire, mais aussi avec une ambiance, une personnalité. "Parler d'avenir" n'a donc aucune gloire à être de loin la meilleure chanson de l'album, mais ce qui fait peur, c'est qu'elle ait été composée par un fan de 21 ans. D'un côté, cool, la relève est assurée, et la prochaine offrande pourrait être meilleure, revenir à de brillants fondamentaux.

Ca ou, comme je le pressens fortement, FARMER toujours plus en quête de célébrité et de hype va casser définitivement son jouet. Car on peut faire pire que "N'oublie pas". Largement. Et elle en serait capable. Boutonnat semblant avoir baissé les bras, on attend avec angoisse la suite d'une carrière que les médias qualifieront de brillante tandis que les fans historiques, refusant de lire les chiffres (c'est écrit trop petit, on est trop vieux !), diront plutôt qu'elle est en constant déclin. Pour une chanteuse qui passait ses textes à dire qu'elle grimpait aux rideaux, on a ici plus l'impression qu'elle se raccroche aux branches. Vite, un électrochoc ! Et avec plus de choc que d'électro, si possible !

Note finale : 1,5/5