La plupart des grands artistes ont eu une chanson phare, celle par qui tout est arrivé, celle qui passera à la postérité. Pour Céline DION, nul doute que l'immense majorité du public, des musicophiles et musicologues déterminera "My Heat Will Go On" comme pivot de sa carrière. Pas votre serviteur. Non, si une chanson a réellement lancé DION et en a fait, au fil des années, l'immense star qu'elle est désormais, c'est bel et bien "D'Amour ou d'Amitié".

Cette chanson assez fantastique dans son genre a bénéficié d'une convergence des astres calculée avec une précision microscopique : chant un peu mieux maîtrisé et moins gratuitement démonstratif que sur le premier album, arrivée à un âge (14 ans) qui fait écho au thème délicat de la chanson, couplet accrocheur et refrain à brailler sur arrangements un peu plus soyeux, plus West Coast. Ce sera un carton, et franchement mérité. Alors évidemment, un album qui commence ainsi ne peut pas continuer bien longtemps. Et donc ce second disque de notre Canadz'ienne ne sera pas extraordinaire, mais l'on peut sans aucun effort constater de solides progrès. Ne serait-ce que parce que bancal ou pas, ce disque est, lui, un VRAI album avec un début et une fin.

On note surtout, malgré une certaine grandiloquence, l'absence de chansons complètement plombantes qui nous mettaient les nerfs à vif. "Tu Restes avec Moi" est le titre le plus geignard et "Adulte à tout casser", mais il possède un pathos assez solide, plus qu'ennuyeux en tous cas, et bénéficie en outre d'un chant masculin aérant la production. Ce seraient plutôt les titres fleur bleue qui auraient tendance à faire tiquer : "Le Piano Fantôme" (malgré un joli basson), "Tellement J'ai D'Amour" (une jolie déclaration d'amour à môman) ou "Ecoutez-Moi", des chansons joyeuses et relativement premier degré, qui sont charmantes mais ne vont pas au-delà d'une écoute distraite.

Céline essaie également de se diversifier un peu, et si ce n'est pas toujours parfait, le résultat n'a rien de honteux : nonchalance jazzy à la "New York New Yooooork" sur le "Tour du Monde", pop song ensoleillée avec la très sympathique "Visa Pour Les Beaux Jours" (sur certains passages on pense aux compositions de David PAICH), et ce final bancal qui mélange début de refrain un peu poussif et vrais bons moments. La dernière chanson un peu différente sera cependant questionnable : il s'agit d'un réenregistrement de son premier single, "La Voix Du Bon Dieu". Si c'était une chanson sympa l'année précédente, elle plombe un peu ce disque avec son côté solennel sans compter qu'elle n'adapte pas franchement le chant à sa voix muante.

Pour un second album à 14 ans, c'est donc déjà très honnête. Le disque ne dépasse plus de nos jours l'état de charmante parenthèse, sachant que les deux meilleurs titres ont été réunis dans un 45 tours. On ne le réécoutera pas plus que de raison. Mais les progrès réalisés à tous les niveaux sont palpables et bienvenus. Enfin à tous les niveaux sauf un : la pochette. Si la voix de Céline est un miracle, il en faudrait un de secours pour la direction artistique, et vite.