Encore une année passée, encore un album. L'usine. Du reste, la pochette fait peur : non pas qu'elle soit totalement ratée, mais on dirait une compile MFP vaguement pirate de Michele TORR, vous savez, les disques qui se vendaient à la sauvette sur les étals des marchés le dimanche matin. Ca ne donne pas envie et fait de la petite Céline un pur produit de consommation, aussitôt acheté aussitôt jeté.

Pourtant, si Mélanie n'est pas, loin de là, le meilleur album de DION, il marque une première fracture entre les niaiseries du début et ce que CABREL a joliment appelé le glissement du manteau de l'enfance. On connaît tous le parcours amoureux de Céline, et nous arrivons donc à une époque intéressante, un triumvirat d'albums où le moindre mot est potentiellement sous-jacent de messages clairs à l'encontre de son futur époux.
Mélanie se partage entre chansons un peu cuculs, pas toutes désagréables d'ailleurs (sauf une) et titres plus contemporains et plus intéressants. Comme l'album précédent, me direz-vous : gagné René, dans des proportions différentes, c'est cela qui fait tout le sel de ces premiers disques.

Donc oui, vous aurez votre quota de nunucheries : "Mélanie" mignonne mais un chouïa trop bien-pensante (mais avec des orchestrations luxuriantes et magnifiques, largement un cran au-dessus de l'ordinaire) ; "Va Où S'en Va l'Amour" peu intéressante mais avec une envolée soul de Céline, sa seconde et pas la dernière ; des chansons totalement transparentes comme "Chante-Moi" ou "Benjamin", icelle curieusement signée Pierre Papadiamandis, visiblement en mode économie d'énergie. Et une horreur : "Une Colombe", qui finit le disque (notez que je suis gentil, je n'ai pas dit : qui l'achève). Une colombe, en variété française, je sais pas vous mais moi ça me rappelle un triste jour de 2007 avec Mireille MATHIEU. Et c'est exactement ça : du Mireille MATHIEU, prétentieux et falot comme un film de Fabien Onteniente. A oublier.

Mais Céline, et son amant de producteur, commencent à sérieusement tâter le terrain côté pop rock et ballades FM à l'américaine, et pour être honnête, elle s'y montre plus à l'aise, tout comme ses musiciens. Et l'auditeur, poil au nerf moteur ! Car franchement, "Un Amour pour Moi" ou "Mon Rêve de Toujours" sont taillés pour faire de jolis petits cartons à la radio (pensez plus RTL que Ouï FM... mais RTL en 1984). Plus avancée dans le genre, "Trop Jeune à Dix-Sept ans" est curieuse et intéressante à bien des égards : oh ! les pêches de guitare (qui font passer FOREIGNER pour SLAYER, mais qui sont bien là. Imaginez ça en France en 2018...). Oh, les arrangements presque progressifs, bien léchés où la chanteuse laisse s'exprimer ses zicos ! Oh, le texte bien salace et bien explicite sauf que non Jean-Eudes, voyons, Céline n'a pas 17 ans mais 14, il est donc strictement impossible que cette chanson ait le moindre rapport avec elle, m'enfin.

Pour résumer, un voyage entre petit ennui poli (et pas désagréable, cf dans quelques lignes), et tentatives de tubes pas encore géniaux mais de plus en plus efficaces et adultes. Et puis, venue d'ailleurs, vous avez une petite perle, un bijou, brut, c'est-à-dire à tailler soi-même donc pas forcément rutilant au premier coup d'oeil. Chanson culte pour les fans, "Trois Heures Vingt" est une petite chanson magnifiquement composée et construite, touchante dans sa simplicité mais très adulte et posée. Et oui, si on recoupe les infos, ça parle bien du dépucelage de la demoiselle, vu du côté préparatifs, attente, affirmation de soi, ce qui est original et en même temps terriblement humain. Ca pourrait être vulgaire et exhibitionniste, c'est troublant et largement au-dessus du panier. Céline ne s'y trompe pas en incluant cette chanson en bonus track de son premier album post-René : c'est le plus bel hommage qu'elle pouvait lui faire.

Maintenant, nous sommes en 2018, la technologie a progressé, les moeurs musicales aussi, et donc si vous hésitez à vous plonger dans cet album mi-figue mi-raisin, voici un excellent conseil du Docteur Baker (NdDr Quinn : Ah tiens je le connais !) : écoutez jusqu'à "Trois Heures Vingt", et arrêtez le disque. Ca vous évitera une colombe plombante comme un sous-marin russe et ça vous mettra dans d'excellentes conditions pour continuer la découverte de l'oeuvre en 75864 volumes de Dâme S'line.