Recherche avancée       Liste groupes



      
VARIÉTÉ INTERNATIONALE  |  B.O FILM/SERIE

Commentaires (3)
Questions / Réponses (1 / 1)
L' auteur
Acheter Cet Album
 


 

- Membre : Bande Originale De Film
- Style + Membre : John Barry , Michael Kamen & Orbital , David Arnold And Michael Price, Thomas Newman, Hans Zimmer

JAMES BOND - Casino Royale (david Arnold) (2006)
Par MARCO STIVELL le 15 Septembre 2021          Consultée 2242 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Retour aux origines, et ça valait le coup... À l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, Ian Fleming, ancien gradé de l'administration des services de renseignement alors désoeuvré, homme d'action et de sensations fortes qui accueille mal la paix mondiale (note : il était loin d'être le seul !), aurait dit à un ami : "j'ai l'intention d'écrire le roman d'espionnage qui dépassera tous les autres" (1). Sans argent mais grâce à une amante généreuse et en adoration devant lui, il acquiert la propriété Goldeneye au nord de la Jamaïque, où il peut fuir les mondanités londoniennes un trimestre par an, faire de la plongée et libérer son inspiration littéraire. Marié à Ann (autre conquête et d'un autre style) pour une fidélité commune jusqu'à sa mort, il inaugure en 1953 la saga James Bond avec Casino Royale. Le roman paraît juste au moment où Elizabeth de Windsor prend la couronne d'Angleterre ; tout comme le premier film d'EON Prod en 1962 sortira le même jour que "Love Me Do" des BEATLES, liant intimement le destin de James Bond à celui de la Grande-Bretagne.

Les présentations sont vite faites : Bond, homme de trente-cinq ans environ, déjà marqué par des années de métier, affilié au MI6, service d'espionnage britannique basé à Regent's Park à Londres et dirigé par un certain 'M', ancien officier de marine intraitable et monacal, mais juste et protecteur (Fleming a repris le portrait de son patron durant la guerre). Bond ne vit que grâce à l'action, a gagné son matricule 00 et un permis de tuer. Il aime les plaisirs de la vie (alcool, hôtels, restaurants, voyages), les femmes surtout (rien que les femmes !), et les jeux dans les grands casinos. Sa mission-baptême est d'affronter un certain Le Chiffre, entrepreneur à la solde de SMERSH (service de contre-espionnage soviétique) qui a perdu des millions avec la fermeture de ses maisons closes ordonnée par la loi. Ce n'est pas un duel classique : c'est une partie de baccara au casino de Royale-les-Eaux, ville balnéaire fictive située à peu près au niveau de la baie de Somme, nord de la France. Le Chiffre, brillant joueur, doit impérativement rembourser SMERSH, mais Bond lui tient tête...

La légende est en marche, bien aidée par le choix d'un réalisme qui s'efface selon la volonté de l'auteur au profit de l'imagination. Ian Fleming était d'un type d'inspiration 'foisonnant' plus proche de ses contemporains J.R.R. Tolkien ou C.S. Lewis que des réalistes ou même les grands de l'espionnage Somerset Maugham, Graham Greene et, plus tard, John Le Carré (2). Cette imagination, qui lui vaudra sans cesse les moqueries de sa femme Ann et ses amis, s'accorde au folklore, depuis le nom de Vesper Lynd jusqu'au physique massif et improbable du Chiffre avec ses cheveux roux brossés et son accent marseillais, en passant par l'amour de Fleming pour la France (rarement restitué de manière fidèle dans les films). D'un côté, le pluie londonienne et le bureau de Regent's Park. De l'autre, la station balnéaire, les jeux de cartes, la séduction et les costumes de soirée, sans oublier la romance avec Vesper. Enfin, la scène de torture de Bond par Le Chiffre qui lui malmène fortement les parties génitales avec un battoir à tapis. Sadisme et romantisme se mêlent ici à un beau bouquet qui ne sera pas systématique mais génère le succès, encore modéré en 53.

Et Casino Royale, contrairement aux futurs romans, n'a pas eu 'son' vrai film, avant très longtemps. Pourtant, en 1954, un épisode-feuilleton impersonnel de 45 minutes est tourné aux U.S.A. En 1967, une parodie blockbuster de James Bond fait parler d'elle en reprenant le roman avec beaucoup de liberté, quitte à virer au grand n'importe quoi. Le rôle du Chiffre a été même mieux honoré que celui de Bond avec d'abord l'acteur Peter Lorre en 54, puis Orson Welles en personne en 67 qui fait des tours de magie pendant qu'il joue aux cartes et torture Bond en mâchonnant son cigare et en riant de sa grosse voix. Du côté de la saga officielle au cinéma, en 1989, EON Productions a adapté tous les romans et presque toutes les nouvelles de Ian Fleming, mais toujours pas Casino Royale !

En 2006, ça y est, enfin. Barbara Broccoli et Michael G. Wilson sont parvenus à abattre un double atout. D'abord, l'adaptation du roman, confiée au réalisateur Martin Campbell à qui l'on devait déjà GoldenEye (1995) et dans un tout autre style, Le Masque De Zorro (1998). D'autre part, la fin des années Pierce Brosnan et l'introduction de Daniel Craig dans le rôle principal, seul autre acteur Bond véritablement anglais après Roger Moore, mais loin de Londres et presque Gallois comme Timothy Dalton, ayant grandi dans le Cheshire frontalier et campagnard. Il s'est fait remarquer aux côtés d'Angelina Jolie dans l'adaptation ciné des jeux Tomb Raider (2001) ainsi que de Tom Hanks et Paul Newman dans Les Sentiers de la Perdition (2002) de Sam Mendes. La collaboration Mendes/Craig ne s'arrête d'ailleurs pas là !

L'acteur est au départ mal accueilli par un public qui, en plus de ses cheveux blonds (rompant avec la tradition brune de Bond), le trouve trop 'dur', avec ses muscles saillants et sa face de dogue ou doberman. Personnellement, je l'aime beaucoup et trouve qu'il s'accorde parfaitement à la nouvelle génération bondienne, où tout élément kitsch et léger semble avoir disparu. Exit (temporairement) les rôles de Q, Moneypenny ; ouf, Judi Dench en revanche subsiste toujours en M, qui dit cette fois 'regretter la guerre froide' dès le départ ! Casino Royale possède une superbe introduction noir et blanc (quand Craig/007 obtient son matricule) fort bien pensée, un générique différent des autres par Daniel Kleinman, sans femmes nues mais tout aussi précieux. Le visuel est si important, ici !

L'heure qui suit est bourrée d'action un rien longuette, mais ce n'est que pour mieux garder au chaud la partie de baccara spectaculaire au Montenegro (loin de Royale-les-Eaux...), dont les péripéties autant que les animations du croupier l'étirent sur quarante minutes royales exactement. Le Danois-révélation Mads Mikkelsen n'a rien à voir avec Le Chiffre d'origine, mais quelle classe ! Même si, en tant que spectateur homme, on a tous je pense serré fortement les jambes sur le fauteuil du cinéma durant la scène de torture, où la tapette à tapis est supplantée par le lourd noeud de corde...

Et le symbole de ce film chef d'oeuvre, c'est le rapport Craig/Bond et Vesper Lynd jouée par la divine Eva Green, révélée trois ans plus tôt par Bernardo Bertolucci et qui comme Craig a des origines françaises. L'actrice qu'il fallait pour ce rôle grandiose, première James Bond girl historique. Comptable qui soutient l'agent au casino et marque du nouveau féminisme de prime abord, non pas celui d'Octopussy (tenue masculine, piques séductrices bien plus agressives que celles de 007), elle se laisse apprivoiser autant qu'elle parvient à le changer lui, mais les zones d'ombre viennent ternir le rose. Longue séquence d'amour et de trahison pour conclusion, comme dans le livre, et superbe...

David ARNOLD, qui n'est plus à son coup d'essai pour James Bond, signe son chef d'oeuvre lui aussi avec ce film. Pour mieux faire oublier le désastre MADONNA sur le précédent et dont il n'était même pas responsable, il veut revenir au rock mais d'une façon différente de GARBAGE en 1999 pour The World is Not Enough/Le Monde Ne Suffit Pas et se rapproche de Chris Cornell, icône de Seattle, ancien chanteur de SOUNDGARDEN et AUDIOSLAVE. La voix puissante du grunge et du metal alternatif conjuguée au talent d'ARNOLD, propose avec "You Know My Name" le générique le plus viril de l'histoire de 007 au cinéma (sachant qu'il n'y avait plus eu de chanteur depuis près de 20 ans), mais pour quel résultat ! Comme si James Bond, au sortir de la première scène en noir et blanc, en obtenant son matricule, quittait l'adolescence, il fallait lui donner un timbre musical tout ce qu'il y a de plus années 90. Au diable le hip-hop et l'électro du nouveau millénaire !

Mis à part les cuivres un rien envahissants sur certains couplets, rien à redire. Le gunbarrel arrive de la façon la plus originale qui soit, les grosses guitares et la batterie nous prennent à la gorge et balancent ce titre super efficace. Sur les premiers couplets, Cornell joue la carte 'crème', appuyée par les cordes et les guitares acoustiques avec juste la basse pour rythmique première ; ensuite, la voix devient rocaille et sur le final, elle vocifère. Le tout avec les accords habituels de la marque 007, celle du "James Bond Theme" de Monty NORMAN et John BARRY, celle de "Goldfinger" de BARRY. Immense perte pour le rock en 2017, Cornell a fourni ici un de ses plus grands efforts. Malheureusement, "You Know My Name" paru en single ne figure pas sur le CD de la BO...

Toutefois, il y a largement de quoi se sustenter. Le film est long (une heure vingt), mais ARNOLD réussit à innover, à mettre l'attention de l'auditeur dans sa poche pendant quelques 75 minutes sans trop de mal. Contrairement à ce qu'on a pu voir et dire de la chanson Bond de 2006 décrite précédemment, il n'a pas lâché l'électronique, il l'a simplement transformée et pour un résultat hallucinant. Le temps n'est plus à la musique de DJs, aux rave-parties des années 90. Malgré sa première heure très/trop mouvementée, qui fait voyager Craig/Bond de Londres à Madagascar et jusqu'aux Bahamas, ARNOLD sait qu'il ne doit pas se rater, surtout pas pour le retour 'classieux' à la vieille Europe par le Monténégro (en réalité la Republique Tchèque pour le tournage) et enfin Venise ainsi que le lac de Côme.

Les deux longues suites d'action en musique, nommées "African Rundown" et "Miami International", durent respectivement plus de 6 et 12 minutes, illustrant les courses-poursuites haletantes de l'hôtel en construction et ensuite de l'aéroport de nuit. Elles sont fortement imprégnées d'orchestre mélodique et énergique, enchaînant les développements divers, du film noir classique à la ballade orientale, souvent complétés par un ensemble de percussions tribales et électroniques. Sur "Miami International", ARNOLD use d'une composante essentielle de cette BO : les résonances et effets spéciaux d'un point de vue sonore, cordes atonales en vagues mais pas seulement. Grande surprise également sur le final en crescendo où il rappelle brièvement le ton rock du générique "You Know My Name" en usant de guitares thrash saturées et de quoi compléter le tableau viril comme il se doit. Pas de quoi égarer les fans toutefois, c'est même meilleur que ce que Michael KAMEN pouvait faire sur Permis de Tuer en 1989. La formule Craig n'est que la nouvelle formule Dalton...

L'ensemble des compositions épouse ainsi la dureté comme la sensibilité, dans une production chaude, veloutée et bien différente des années Brosnan. Le plaisir d'écoute n'en est que renforcé, avec encore une fois l'électro/indus utilisée de manière plus discrète et sous un nouveau jour. David ARNOLD se surpasse, fidèle à John BARRY tout en restant lui-même, avec la lumineuse "City of Lovers" pour Venise, avec "Vesper", son piano nocturne et sa douceur fragile aux cordes (ah, cette scène où Bond la console, sous la douche), répété dans "Death of Vesper" puis "The Bitch is Dead" ("la garce est morte", dans le livre de Fleming, Bond veuf avant l'heure dit réellement ça de celle qui avait failli le faire renoncer à tout sauf elle). Mais les nuances de 007 reviennent à la fin de cette dernière et se réinstallent de plus belle sur la brillante et froide scène finale en plein décor enchanteur, avant d'enchaîner avec le thème du générique final. ARNOLD n'a pas fini de triturer le thème Bond classique, de trouver la bonne manière de l'amener et nous en mettre plein les esgourdes ! Ah, ce rimshot (technique de batterie) sur "Blunt Instrument", on en redemande...

Le charme précieux de ce film, transcendé par la partie de baccara, l'est aussi par les ambiances noires troubles et improvisées de l'orchestre, piano, harpe et flûtes en avant, de quoi rappeler le grand BARRY des années 63-65, tout en ne dédaignant pas quelques synthés/effets et échappées rythmiques inattendues. "Nothing Sinister" (pour la première séquence en noir et blanc), "I'm the Money", "The Tell", "Bond Loses It All" (Mikkelsen/Le Chiffre, riant : "vous aviez cru que je bluffais ?"), "The Bad Die Young" sont tous réussis en la matière. Les circonvolucions de "Dirty Martini" sont parfaitement adaptées à la scène d'empoisonnement. "The End of an Aston Martin", à la poursuite du Chiffre sur les routes monténégrines, garde un petit goût de "On Her Majesty's Secret Service" (1969). "Dinner Jackets" est une merveille de sensualité pour une peinture de gala et "Solange", thème musical romantique avec allegro andalou, nous rappelle combien les James Bond girl sont toutes superbes dans ce film, ainsi que la plupart des seconds rôles (Mathis joué par Giancarlo Giannini, Felix Leiter désormais Afro-Américain...). Casino Royale, un tour de force où l'élégance prévaut !

(1, 2) Source : Ian Fleming, les vies secrètes du créateur de James Bond, par Christian Destremau (2020, éditions Perrin)

-----------------------------------

Dans la salle magnifique du casino de l'hôtel Splendide au Monténégro, tard dans la nuit.
« Bond ! Vous avez vraiment cru que je bluffais ? Bond !!
-Hmm ? fit Bond, les yeux au loin tournés vers le bar. Désolé monsieur Le Chiffre, mais le décolleté de mademoiselle Vesper et le reste de sa robe me font tout oublier, y compris votre sale trogne et vos larmes de sang. »
Le Chiffre laissa l'attention de son interlocuteur repartir et maugréa :
« Bientôt, tu pleureras des larmes toi aussi, et ta libido en prendra un coup. Tu verras bien si mademoiselle Vesper te verra toujours comme un homme ! »

A lire aussi en VARIÉTÉ INTERNATIONALE par MARCO STIVELL :


Bruce SPRINGSTEEN
Live In New York City (2000)
Y a-t-il quelqu'un de vivant par ici... après ça ?




Johnny HALLYDAY
Country, Folk, Rock (1972)
Tout est dans le titre


Marquez et partagez





 
   MARCO STIVELL

 
  N/A



- David Arnold (compositions, orchestrations)
- Chris Cornell (guitares, chant)


1. African Rundown
2. Nothing Sinister
3. Unauthorized Access
4. Blunt Instrument
5. Cctv
6. Solange
7. Trip Aces
8. Miami International
9. I'm The Money
10. Aston Montenegro
11. Dinner Jackets
12. The Tell
13. Stairway Fight
14. Vesper
15. Bond Loses It All
16. Dirty Martini
17. Bond Wins It All
18. The End Of An Aston Martin
19. The Bad Die Young
20. City Of Lovers
21. The Switch
22. Fall Of The House In Venice
23. Death Of Vesper
24. The Bitch Is Dead
25. The Name's Bond...james Bond
- inédit De La Bo
26. You Know My Name



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod