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VARIÉTÉ INTERNATIONALE  |  B.O FILM/SERIE

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- Membre : Bande Originale De Film
- Style + Membre : John Barry , Michael Kamen & Orbital , David Arnold And Michael Price, Thomas Newman, Hans Zimmer

JAMES BOND - Mourir Peut Attendre (hans Zimmer) (2021)
Par MARCO STIVELL le 16 Octobre 2021          Consultée 1712 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Je regarderai toujours James Bond avec plaisir, calé dans mon fauteuil, un verre dans une main, l'autre main avec le majeur tendu bien haut vers la 'cancel culture'. Ces quelques mots empruntés à un ami qui saura se reconnaître sont devenus les miens de manière presque fidèle (l'ami en question s'est arrêté à 1989 pour son appréciation de la saga, et mon verre ne contiendrait pas d'alcool). Même avec No Time to Die/Mourir Peut Attendre, il faut croire que cela fonctionne plutôt bien ! Et pourtant...

Pourtant, la simple idée que Billie EILISH soit nommée à la chanson-titre, le générique d'ouverture, cela amenait des craintes immenses. Connaissant l'œuvre de la jeune californienne au succès fulgurant et à la personnalité intéressante toutefois, il était possible de craindre le pire, un effet 'MADONNA bis' pour James Bond au bout de presque vingt ans. De plus, pour ma part, il était hors de question d'écouter "No Time to Die" avant de regarder le film ! Fort heureusement, les craintes n'étaient pas plus justifiées que cela car EILISH, co-auteure avec son frère Finneas O'Connell comme pour le reste de sa carrière, s'est pliée à l'exercice de façon remarquable : voix fragile, sensuelle et réverbérée, grisante et parfaitement adaptée à cette ballade des plus sombres (bien plus que "Skyfall" et encore meilleure à mon sens !), en accord avec son temps sans déteindre sur Bond.

Ambiance noire, accords caractéristiques, piano simple et orchestre au diapason, cuivres jazz superbes qui font des citations 007 à contre-courant... Merci à Hans ZIMMER comme à EILISH pour le coup ! Et à Johnny Marr, le 'madchester' - ex-guitariste emblématique du groupe anglais The SMITHS devenu accompagnateur de ZIMMER -, pour le ton 'western'. Sans oublier Daniel Kleinman, designer du générique, qui reprend les ronds de couleur du tout premier effort de Maurice Binder en 1962 pour James Bond Contre Dr. No, avant les futurs génériques bondiens classiques. C'est d'une délicatesse à l'image du film, le sens double négatif en moins.

Hans ZIMMER est lui aussi partout, depuis de nombreuses années (Christopher Nolan, Marvel & co pour ne citer que les dernières), au point que l'on pouvait se demander quand il dirigerait une partition pour James Bond. On a même pu le voir sur scène depuis 2016 avec Johnny Marr, Guthrie Govan, Nick Glennie-Smith etc. C'est ZIMMER que l'on pointe souvent du doigt pour évoquer le déclin du genre musique de film, mais force est de constater qu'à ce jeu, pour Bond, il s'en sort mieux que Thomas NEWMAN.

Outre une chanson très réussie, la B.O se révèle tout à fait convaincante. Pas exceptionnelle (chose difficile pour un musicien aussi productif à ce stade de sa carrière !) ni totalement efficace sur la durée globale d'une heure dix, il faut bien le dire. Les fameuses montées de contrebasses, les effets menaçants et lourds, facilités reprochées à ZIMMER et d'autres, sont de la partie. Cependant, on parle de James Bond, et ne serait-ce que dans les manières de triturer le thème caractéristique de Monty NORMAN et John BARRY, le vieux Hans montre qu'il n'a pas à rougir face à ce dernier, ni à George MARTIN ou David ARNOLD. On le ressent dès le gunbarrel parfaitement en place, avec un crescendo bien amené, même si moins spectaculaire que d'habitude.

Dès "Message from an Old Friend", puis sur "Back to MI6", "Square Escape", "Norway Chase" ainsi que les suites finales "The Factory", les moments d'action réunissent orchestre et rythmiques tribales/électro ; pas de quoi être dépaysé. Sur "Cuba Chase" et "Opening the Doors", ZIMMER use d'influences traditionnelles mais également swing avec une belle mise en avant de cuivres et d'effets 'slap', pour un peu plus de mordant. Même si c'est téléphoné dans l'ensemble, cela fonctionne pas mal et Johnny Marr offre un plaisir guitaristique tout au long de la B.O. Il y a des clins d'oeil à Kurosawa et Sergio Leone ("Not What I Expected", "Someone Was Here" avec shakuhachi et guitare western), sans trop de surprise, et cela tempère pas mal la froideur moderne, les nombreuses échappées atonales, le gris ambiant. Ou la mauvaise musique merengue/dancehall programmée comme dans la scène nocturne en Jamaïque dans la boîte, entre autres apartés hors-ZIMMER.

D'autres morceaux mineurs sont réussis, tels ce "Shouldn't We Get to Know Each Other First ?" en fausse ballade latine et piquante (love Ana De Armas !), ce "Poison Garden" avec sa chorale noire, sa marche étouffante ou encore "Lovely to See You Again", petit piano fragile sur cordes doucereuses. Quel dommage que la progression passionnante de "I'll Be Right Back" soit interrompue si brusquement ! Une très bonne idée générale en revanche est d'avoir laissé plusieurs morceaux s'enchaîner, afin de donner une continuité narrative à la musique sur CD. Et puis celui qui a marqué à jamais l'histoire de la bande originale de film avec The Lion King/Le Roi Lion de DISNEY en 1994 ne pouvait que réussir "Home", une beauté pure, violoncelle et voix féminine à l'appui. Que dire alors de cette "Final Ascent" de plus de sept minutes, toute en empathie et en répétition, mais qu'on aimerait ne jamais entendre s'arrêter ? Les frissons, avec les larmes...

Un autre plaisir immense survient dès la première scène sur la route méditerranéenne de collines en lacets ("Matera"), car ZIMMER fait jouer aux cordes "We Have all the Time in the World", thème romantique et plein de lyrisme sensuel que connaissent bien les fans du James Bond millésimé 1969. La chanson interprétée par Louis ARMSTRONG est présente elle aussi ; j'y reviendrai. Pour une fois, il n'y a pas de musique douce se rapportant directement à un personnage féminin, c'est plutôt l'esprit romance qui est célébré. Toujours en regard vers 1969, sur "Good to Have You Back", ZIMMER fait jouer à l'orchestre l'anatole andalouse dont John BARRY avait usé pour "On Her Majesty's Secret Service". Qu'elle manque d'originalité ou éclabousse de splendeur, l'oeuvre du WAGNER contemporain de la B.O est un élément de stabilité dans ce James Bond 'pas si surprenant'.

Rien n'était gagné avec ce vingt-cinquième film officiel d'EON Productions (Barbara Broccoli et Michael G. Wilson) qui s'est fait attendre durant quelques six années copieusement rallongées par la période Covid-19, date de sortie maintes fois repoussée. Daniel Craig est devenu l'acteur de James Bond à la plus grande longévité (quinze ans, même si c'est feu Sean Connery qui l'emporte factuellement avec le hors-série de 83), mais on sait bien que cela n'est pas dû à la quantité de films produits durant cette période !

Le suspens était pesant, et le réalisateur américain (première grosse entorse au code bondien) Cary Fukunaga, à qui l'on doit également le thriller Sin Nombre (2009) ainsi qu'une adaptation de Jane Eyre (2011), avait fort à faire pour pallier. Le baroud d'honneur de Daniel Craig s'étire jusqu'à deux heures quarante-cinq ! Et si on célèbre cette fois les soixante années – environ - de James Bond au cinéma, c'est pour mieux passer aux extrêmes, naviguer de l'un à l'autre, du retour aux sources jusqu'à l'impensable. Sans en dire plus concernant un final qui m'a mis les larmes aux yeux, il y a la formule simple et magique du générique de fin : James Bond reviendra. Elle peut entretenir aussi bien ce que l'on peut ressentir, espérer au fond de soi, que justifier l'attitude très flegmatique de Ralph Fiennes/M, Ben Whishaw/Q et Naomie Harris/Moneypenny.

Volontairement, parmi ces rôles qui comptent, je ne cite guère Lashana Lynch, actrice sans doute sympathique à voir ailleurs, mais pas ici. C'est comme son rôle : 007 est un matricule inventé par Ian Fleming pour James Bond, il restera à jamais James Bond. Elle-même, fierté mise à part, a d'ailleurs la décence de le reconnaître et de vouloir le lui rendre ! Les évolutions font partie de la saga certes, mais là, on est en 2021, et certaines (pas seulement Lynch) font partie d'un cahier des charges qui n'a rien à faire ici, qui vise à rendre la saga plus conventionnelle que jamais. Or, James Bond n'est pas comme les autres blockbusters, c'est un univers incomparable, très affirmé qui pioche dans ce qu'il veut et le rend à sa sauce, majeur tendu lui aussi au féminisme qui veut le 'tuer', à la 'cancel culture', 'l'ouverture', le 'tout le monde doit s'y retrouver' sans plus aucune personnalité ni caractère.

Malgré le résultat ici, Bond continue d'exister, mais de façon moins évidente ; Craig lui-même semble en sentir peser le poids, et deux solutions se présentent. Soit on se sent définitivement trahi et on quitte la salle de cinéma boule au ventre, soit on continue de se cramponner à ce que l'on a toujours aimé depuis 1962, ou 1953 si on est lecteur. J'ai préféré opter pour cette solution ! Et ce film, je l'ai aimé, malgré ses défauts, ses errances… Ainsi que son besoin de limiter les meilleures idées (Ana De Armas, seule 'classic' James Bond girl, Cubaine aussi ingénue que vigoureuse au combat, divine au moindre plan du début à la fin de son apparition !), voire les altérer, souvent par les dialogues. Les répliques habituelles (Bond, James Bond! et la vodka martini) en pâtissent, hélas.

La classe britannique ? Surtout dans la séquence où Fiennes/M et Bond/Mallory se retrouvent devant la Tamise. Les scènes d'amour ? Très filtrées et pudiques, autant que le flou des enchaînements de plans ou mouvements de caméra peut être excessif et ennuyeux sur grand écran. Plein d'autres maladresses sont à noter dans les courses-poursuites, notamment celle à Matera, ville au cadre semi-troglodytique exceptionnel dans la région désertique de Basilicate au sud de l'Italie où ont également été tournés Le Christ S'est Arrêté à Eboli de Francesco Rosi, 1979, La Passion du Christ de Mel Gibson, 2004, Wonder Woman de Patty Jenkins, 2017.

Décors somptueux comme toujours, qui comprennent aussi Cuba, la Norvège ou les îles Féroé (dans l'histoire, ce sont les Kouriles méridionales, très loin de là !). Hélas ceux-ci sont peu voire pas nommés, comme par peur de déranger et malgré quelques scènes de violence, tout apparaît bien sage ou trop vite enchaîné. De plus, Bond qui travaille pour la CIA, même pas longtemps, ça fait une drôle de sensation, mais au moins, cela permet de recroiser Jeffrey Wright (depuis 2008) en Felix Leiter, moins blasé et plus camarade, comme dans les romans, comme au cinéma jusqu'en 1989, et pour une très bonne scène sur un bateau en mer. Parmi les méchants, Rami Malek/Safin reste un bon choix (quitte à me sentir seul, c'est bien mieux que Freddie Mercury !), même si on aurait préféré Blofeld plus actif. Le Cyclope, lui, ne sert pas à grand-chose.

Ce qui sauve le film ? Justement, outre les décors, tout ce qui le rattache à avant, y compris l'idée de romance avec Léa Seydoux/Madeleine Swann (et plus que cela, à travers des yeux d'enfant), même si cela prend beaucoup de place. À l'inverse, quelques scènes d'action fiévreuses comme le bateau et l'escalier de la base secrète de Malek/Safin. Et puis naturellement, tout le côté fidèle à Fleming de la chose : Bond retiré sur une propriété idyllique avec plage privée en Jamaïque, et le mélange des histoires du deuxième et du troisième/ultime volumes de la trilogie Blofeld, à savoir Au Service Secret de Sa Majesté (1963, adapté en 69, comme pour la musique de ZIMMER donc), et On Ne Vit Que Deux Fois (1964, adapté en 67). Au début du film, sur la route de Matera, nos chers Craig/James et Seydoux/Madeleine roulent vers un bonheur certain comme le font Rigg et Lazenby à la fin du film de 69. Nous avons toute la vie devant nous... Mais la scène tragique finale originelle est copieusement modifiée ici ! Et cette scène au cimetière sur la tombe de Vesper, raaah ! Sans compter le retour de la chanson de Louis ARMSTRONG à la fin.

Quant à On Ne Vit Que Deux Fois, plus fidèlement au roman que le film de 67, c'est la fin crépusculaire et la mort prétendue de Bond aux îles Kouriles (de base, on est plus du côté de Kyushu, de l'autre côté du Japon) avec la propriété de Blofeld et son 'jardin de la mort', pas avec des animaux dangereux ici mais des plantes. Blofeld joué par Christoph Waltz comme dans Spectre, peu présent cette fois au profit de Malek/Safin, avec tout de même l'idée de guerre bactériologique repris dans Au Service Secret de Sa Majesté, mais version 2020 (autre indice qui peut justifier le délai repoussé de la sortie du film : quand le scientifique russe irritant menace ses collègues). Bref, ça au moins, c'est bien ficelé. Le vieux Fiennes/M dépressif, désabusé, verre de whisky à la main, c'est Fleming en train d'écrire On Ne Vit Que Deux Fois avec déjà un pied dans la tombe, et cela a failli être le dernier roman de Bond.

Mais Fleming a eu le temps de laisser à Bond celui de rebondir. Au cinéma, c'est pareil : on peut vivre plus de vingt-cinq fois. Et comme on nous le dit fort bien à la fin, James Bond reviendra !

3,5 arrondi à 4

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Aux îles Kouriles, dans le 'jardin de la mort', Safin vient de tirer sur Bond et l'a touché.
« Je t'ai eu James, ha ha ! Au bout de vingt-cinq films, j'ai réussi à faire ce que personne n'a…
-Pan ! Pan ! Pan ! La ferme, Freddie de pacotille. Je reviendrai. Je reviens toujours ! Ne serait-ce que pour emmerder les féministes qui veulent remplacer le patriarcat avec le même sens du pouvoir, et qui tentent de le faire jusque dans 'mon' film… »

À Londres, dans les bureaux du MI6 en plein deuil.
« Quelqu'un a quelque chose de plus à dire ? demanda M avec la voix lourde.
-Au moins, dit Lynch, il s'est un peu repenti de son attitude macho et dinosaure, et aucune femme ne s'est dévêtue dans ce film ni présentée comme objet de désir masculin. Il fallait vraiment changer tout cela ! »
M la regarda d'un air significatif.
« Vous êtes virée ! »
Une fois seuls et tranquilles :
« Bon débarras, dit Q. Il faut vraiment n'avoir rien compris à Bond pour dire cela. C'est comme moi, mes langages sont AZERTY, QWERTZ, PHP, C++, mais pas LGBTQ+ ! Même si ça ne marche pas trop avec les femmes, je ne suis pas homosexuel !
-Pas plus que moi ni Tanner, dit M. N'y pensez plus : ils pensent pouvoir nous contrôler mais nous sommes plus forts. Aduler un homme de valeur comme Bond, l'apprécier comme il est, n'empêche pas de devenir un chevalier servant, au contraire même. Mais à notre époque, les chevaliers sont mis à mal, alors qu'ils sont plus que jamais nécessaires. La bataille est perdue, mais pas la guerre !
-Tout de même, dit Moneypenny fort émue, j'aimerais pouvoir pleurer, mais je n'y arrive pas. Dire que cela s'appelle Mourir Peut Attendre...
-Vous savez comme moi, dit M rassurant et souriant même, au fond de vous, que nous devons raison garder, et espoir. Le titre devra être justifié, même si cela doit prendre quelques années... Ladies and gentlemen, au travail ! »

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   MARCO STIVELL

 
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- Hans Zimmer (compositions, orchestrations)
- Billie Eilish (chant, écriture)
- Finneas (composition, instrumentation)


1. Gun Barrel
2. Matera
3. Message From An Old Friend
4. Square Escape
5. Someone Was Here
6. Not What I Expected
7. What Have You Done?
8. Shouldn't We Get To Know Each Other
9. Cuba Chase
10. Back To Mi6
11. Good To Have You Back
12. Lovely To See You Again
13. Home
14. Norway Chase
15. Gearing Up
16. Poison Garden
17. The Factory
18. I'll Be Right Back
19. Opening The Doors
20. Final Ascent
21. No Time To Die



             



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