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VARIÉTÉ INTERNATIONALE  |  B.O FILM/SERIE

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JAMES BOND - Quantum Of Solace (david Arnold) (2008)
Par MARCO STIVELL le 21 Septembre 2021          Consultée 950 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

On a eu très peur avec celui-là ! Paru deux années seulement après Casino Royale, l'étrangement nommé Quantum of Solace ne fait que respecter les anciens codes de la saga James Bond par EON Prod qui voulait que ce laps de temps soit une bonne moyenne pour la création d'un film. Or c'est bien en 2008 qu'ils s'aperçoivent que les choses ne peuvent plus fonctionner de la même façon, à force de ne plus pouvoir compter sur l'inspiration Fleming directement et donc de devoir trouver de nouveaux scénarios. On pouvait craindre le côté éphémère d'un coup d'éclat comme Casino Royale ; effectivement bien peu restitué ici, en termes de gloire. Le grand problème du cinéma depuis les années 2000, c'est aussi que la date de sortie du film se trouve généralement fixée avant même que tout soit mis en place, et Quantum of Solace en fait les frais. Heureusement, les prochains volets seront épargnés !

Mais kézako, l'expression 'Quantum of Solace' ? Certains se sont plaints de la complexité du titre du film par rapport à celui plus habituel de "Another Way to Die" réservé à la chanson-thème principal de Jack WHITE et Alicia KEYS. Un peu de changement ne fait pas mal, il est toutefois sûr que cela vaut mieux lorsque l'oeuvre affiliée s'élève au même niveau de préciosité. 'Quantum' seul, c'est le projet réunissant plusieurs personnages influents internationaux pour faire main basse sur les réserves d'eau en Amérique du Sud (notamment les déserts de Bolivie) pour servir leur dessin, en masquant le tout derrière de l'écologie à grande échelle, actions comme beaux discours. Leur chef est Dominic Greene, dont la 'bonne tête de Suisse' est incarnée par l'acteur français Mathieu Amalric, révélé internationalement par Steven Speilberg dans Munich (2005) puis Julian Schnabel dans Le Scaphandre et le Papillon (2008).

À l'origine, Quantum of Solace, traduit en Chaleur Humaine par chez nous, est le nom d'une nouvelle de Ian Fleming, la dernière inusitée jusqu'alors pour toute la saga James Bond, l'une des cinq du recueil For Your Eyes Only/Bons Baisers de Paris (1960). Difficile de la reprendre à l'écran en effet, car il s'agit d'un simple dialogue lors d'une réception aristocrate avec fauteuils confortables : Bond, très empathique, se laisse raconter l'histoire d'un jeune espion ingénu, sans histoires et appliqué, qui d'un seul coup, a connu l'amour le plus vif d'abord puis la plus grande désillusion lorsque sa femme l'a abandonné pour un homme plus riche. Les sentiments de cet ordre sont un sujet secondaire pour James Bond l'homme d'action sans attaches, mais parfois utilisés avec philosophie par Fleming et très présents dans son inspiration des années 60 (Motel 007/L'Espion Qui m'Aimait, On Her Majesty's Secret Service/Au Service Secret de Sa Majesté).

Et puis il ne faut pas oublier Casino Royale (1953), premier volume de la saga, où Bond est sur le point de tout plaquer par amour pour Vesper Lynd, ce qui se termine également par une forte désillusion, même si Lynd cache en elle des motivations moins égoïstes et beaucoup plus louables que la fille de Quantum of Solace. Quoiqu'il en soit, un rapprochement est fait entre les deux histoires et c'est en cela, au moins, que l'on peut saluer le travail des scénaristes fidèles Neal Purvis et Robert Wade, inchangés depuis l'époque Pierce Brosnan. Pour la première fois, un film James Bond fait directement suite à un autre, si l'on ne compte pas la course-poursuite acharnée contre Blofeld en 1971 notamment : Quantum of Solace est censé se passer une heure après Casino Royale. L'idée de "chaleur humaine" reste aussi une belle illustration en mots du Bond plus "sensiblement introspectif" porté par Daniel Craig, notamment durant les scènes fortes de ce film en compagnie de Mathis (Giancarlo Giannini toujours brillant), au bar puis à la mort de ce dernier.

Craig/Bond partage ici son énergie entre le combat mouvementé contre Amalric/Greene et son organisation d'une part, qui le conduit en Toscane, puis à Haïti, ensuite en Bolivie (le tournage remplace ces deux derniers par Panama ainsi que la région frontalière Pérou/Chili), avec les restes de l'histoire qui concerne Vesper Lynd d'autre part. Magnifique séquence finale à Kazan sous la neige d'ailleurs, aux côtés de Judi Dench/M ; Bond n'était pas revenu en Russie depuis GoldenEye (1995) et cela tranche un peu avec le côté aride du film, la préférence pour les pays chauds presque tout le long. Les James Bond girl Olga Kurylenko/Camille Montes Rivero, elle aussi motivée par une vengeance personnelle, et Gemma Arterton/'Strawberry Fields' (chouette nom !) forment un duo de présences féminines attachantes, ramenant un goût d'années 60 fort bienvenu.

Pour le reste, encore une fois, ce Bond-là est bancal. Malgré quelques scènes contemplatives voire initiatiques (notamment celle dans la caverne du désert), il demeure fortement marqué par son époque où domine une nouvelle forme de cinéma 'bourrin'. Ne l'ayant pas vu pendant des années, j'avais été tellement choqué par la première séquence course-poursuite et son montage affreusement épileptique, répété ensuite pendant la scène du palio (la course de cheveux à Sienne), que je n'ai gardé que ça en tête pour l'identité globale du film. J'avais même failli lâcher la saga Bond...

Heureusement, la suite durant les années 2010 (peut-être 20 aussi ?) prouve qu'une telle affirmation ne valait rien. D'autre part, David ARNOLD est toujours là pour équilibrer les choses et faire preuve de qualité, même si c'est pour la dernière fois. Eh oui, Quantum of Solace possède une triple particularité : dernier film sorti au bout de deux ans à peine (pour l'heure), seul film de la nouvelle époque – à compter de 1995 – dont le générique n'est pas l'oeuvre de Daniel Kleinman mais celle du studio américain MK12 (cela étant, vu le résultat, on n'y voit que du feu !), et enfin ultime bande sonore réalisée par David ARNOLD.

Le compositeur numéro 2 de la saga après John BARRY, en termes de durabilité et d'identité, a eu l'honneur de pouvoir travailler sur cinq films consécutifs ; il aurait sans doute pu en faire davantage, mais vous le savez, au XXIème siècle et à l'ère Internet, on aime abréger et passer à autre chose, rien ne dure sauf le rap autotuné, Marvel et certaines séries TV. Il su imposer sa patte en mêlant pour l'ère Brosnan l'orchestre traditionnel et toute la grosse machinerie électro. Quand Craig est arrivé, il a réduit les folies de cette dernière pour l'adapter au nouveau ton plus sérieux et froid de la saga, obligeant le concept de chaleur humaine à lutter pour revenir en force.

On parlait de rap, et sans Auto-Tune (ouf !), il trouve une certaine place ici grâce à "Another Way to Die", le générique chanté par Jack WHITE et Alicia KEYS. C'est certes au moins autant un blues bien gras qu'une appartenance à la 'nu-soul' dont mademoiselle KEYS est fervente représentante. Amy WINEHOUSE avait été envisagée à la base, mais je préfère franchement Alicia. Du moins en temps normal, parce que là, le cas est un peu compliqué, même s'il y a clairement de bons éléments, le piano de KEYS, grosses guitares et cuivres qui s'entrechoquent sur une rythmique massive, la simple idée de duo toute nouvelle elle aussi pour James Bond (ce n'était jamais arrivé depuis 1962 !), un parfum de chanson traditionnelle inhérent à la saga... Mais de l'autre, il y a Jack WHITE dont j'avoue n'être guère fan (le son de guitare très crade se confond avec celui du saxophone), la fougue rap qui empiète sur le travail mélodique, les voix mises à l'unisson qui donnent un caractère poussif, et deux interprètes qui 'posent' un tantinet, un peu comme le montre le clip extérieur au film. Le XXIème siècle, c'est aussi l'attitude qui prend le pas sur la musique...

Une fois encore (la deuxième après 2002), David ARNOLD n'a pas contribué directement à l'écriture de cette chanson, ce qui explique pourquoi elle n'est guère employée dans la suite des festivités musicales. Parlons des morceaux les plus fournis en matière et en développements, en commençant bien évidemment par "Time to Get You", calé sur la première séquence course-poursuite si déroutante en matière de montage. Le facteur musique l'emporte largement avec son long bourdonnement sombre et son crescendo d'orchestre mystérieux en cordes frileuses, puis son effet 'course contre la montre' nettement plus fluide, entre cuivres berlioziens et variation electro-tribale sur le "James Bond Theme". La conclusion est une splendide marche lente à textures industrielles, splendide !

Les deux autres jalons importants en durée comme en apports musicaux sont "Perla de las Dunas" (8 minutes) et "Pursuit at Port au Prince". Cette dernière suite reprend d'abord le même schéma que "Time to Get You", pour culminer avec une excellente bataille de cordes en rythme ternaire tandis qu'une rythmique rock-metal-thrash (la même qu'on pouvait entendre sur Casino Royale à l'aéroport de Miami !) envoie du lourd sur un ton plus binaire. Un décalage savoureux, tout comme celui offert par la guitare électrique western planant sur le final et reprenant la trame 007 !

C'est l'un des éléments immanquables de cette BO : avant de se retirer du 'game', David ARNOLD profite de l'ambiance chaude et aride de l'Italie comme de la Bolivie pour se donner de grands airs d'Ennio MORRICONE ! Et on adore, surtout que ce son de guitare contraste avec les autres classiques traditionnelles à cordes nylon, à profusion sur d'autres titres fortement latins ("Somebody Wants to Kill You", "No Interest in Dominic Greene", "Camille's Story", "Bolivian Taxi Ride", "Talamone" qui emprunte légèrement à "On Her Majesty's Secret Service").

Si "Perla de las Dunas", illustration de la dernière grande scène d'action dans l'hôtel abandonné, se distingue par de beaux effets massifs d'orchestre et d'électro cavaliers, il y a toujours ce goût pour la contemplation avec une flûte des Andes (siku ou autres zampoñas et modèles en roseau). L'introduction de cette suite, "Have You Ever Killed Someone?", quand Craig/James et Kurylenko/Camille se préparent à l'assaut, relie avec grandeur et beauté l'orchestre, les Andes et la guitare électrique western. De quoi ajouter une nouvelle réussite au palmarès de David ARNOLD, grand défenseur des musiques du monde depuis 1994 avec Stargate et à travers James Bond.

Tout n'est pas du même niveau cela dit. Cette BO alterne des thèmes longs et d'autres assez courts. Certains 'longs' comme "Target Terminated" (la bataille en avion) et "Somebody Wants to Kill You" marquent peu les esprits ou sont trop étirés pour ce qu'ils ont à proposer. Quant aux autres plus courts, certains auraient bien mérité d'être rallongés : "Field Trip" ou accords 007 version jazz au vibraphone, le début magnifique de "Inside Man", "I Never Left" à la toute fin où le piano et les cordes font joliment renouer Bond avec la Russie et la vieille Europe de l'Est…

Et il est difficile de ne pas tomber amoureux de ce qui fait tout le sel de James Bond à égalité avec l'action, mis en musique : la classe, pure et simple. "Night at the Opera", valse de harpe avec légère pointes électro pendant la représentation de Tosca, avec une élégance dans les cordes aiguës et célestes proche de ce que Eric SERRA avait fait pour GoldenEye. Les claviers feutrés qui s'ajoutent à une ambiance similaire sur "What's Keeping You Awake", lorsque Bond et son ami Mathis philosophent au bar après quelques verres (il y a une autre scène de ce style à La Paz avec Jeffrey Wright qui reprend son rôle de Felix Leiter cette fois un peu trop blasé et flegmatique). Sans oublier "Camille's Story" (le dialogue dans la caverne), très beau dans sa simplicité, ainsi que "The Dead Don't Care About Vengeance", avec sa guitare à écho suivie d'une valse macabre au clavecin !

3,5 arrondi à 4, parce qu'en dehors des longueurs et de ce "Another Way to Die" que je n'apprécie qu'à moitié, c'est un ultime effort global meilleur que le film et à saluer pour David ARNOLD, moins dans la recherche de sons que sur Casino Royale, plus dans le rapprochement d'idées qui constituent son talent musical.

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Dans une rue mal famée de La Paz, capitale de Bolivie, en pleine nuit :
« Mathis, dit Bond tout ému en tenant son ami blessé à mort, ça va aller mon vieux, ça va aller...
-'Mon vieux', souffla Mathis, tu parles comme l'autre qui a voulu ta peau dans le train en 1963. Et puis ça m'énerve un peu, après que tu aies utilisé mon corps comme gilet pare-balles...
-Tu préférais vivre et aller retrouver ton Italienne râleuse, t'ennuyer dans ta superbe villa avec vue imprenable ?...
-Non tu as raison, je suis mieux là. Je serai même mieux dans la poubelle où tu me balanceras après.
-Parle moi encore un peu, Mathis.
-Tu sais James, quand tu jouais contre le Chiffre dans le casino et que j'étais aux côtés de Vesper au bar, pendant qu'on parlait, j'ai eu des pensées déplacées. J'ai même eu les mains baladeuses, gentiment, mais elle était tendue comme un string et elle n'a rien senti...
-C'était difficile de se retenir. Autre chose ?
-Moneypenny...
-Euh, quoi ? Tu ne la connais même pas, moi je ne l'ai pas vue depuis longtemps. Ou alors, quand on t'a interrogé au MI6 ? Mathis, réponds. Mathis !... »

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   MARCO STIVELL

 
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- David Arnold (compositions, orchestrations)
- Jack White (chant, guitare, composition)
- Alicia Keys (chant, piano, composition)


1. Time To Get You
2. The Palio
3. Inside Man
4. Bond In Haiti
5. Somebody Wants To Kill You
6. Greene & Camille
7. Pursuit At Port Au Prince
8. No Interest In Dominic Greene
9. Night At The Opera
10. Restrict Bond's Movements
11. Talamone
12. What's Keeping You Awake
13. Bolivian Taxi Ride
14. Field Trip
15. Dc3
16. Target Terminated
17. Camille's Story
18. Oil Fields
19. Have You Ever Killed Someone?
20. Perla De Las Dunas
21. The Dead Don't Care About Vengeance
22. I Never Left
23. Another Way To Die



             



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