Avec Let’s Dance, BOWIE devient BOWIE en redevenant BOWIE.

Décomposons cette assertion en deux parties.

1. Avec Let’s Dance, BOWIE devient BOWIE.

Oui, parce qu’avant cet album, BOWIE n’est pas tout à fait celui que nous connaissons depuis. Autrement dit la superstar planétaire, l’icône culturelle qui est entrée dans la légende du rock. C’est bien connu, mais il faut le rappeler : avant 1983, BOWIE ne vend pas énormément de disques. Tout est relatif, bien sûr. Mais cet artiste n’a pas encore atteint l’universalité. Quelques solides singles mais peu de vrais hits, une Amérique plutôt indifférente (sauf pour l’abominable "Fame") et des albums qui peinent souvent à toucher le grand public. Les critiques l’adorent, les journalistes en raffolent et les fans hardcore pullulent. Mais la gloire commerciale, c’est un autre problème.

Mais là, tout change. BOWIE devient phénoménal, vend des millions de disques et fait irruption dans les années 80 comme un cannibale affamé. Pensez donc : du 21 au 28 mai 1983, "Let’s Dance" est à la première place des charts US… C’est l’année de toutes les folies, l’année de "Billie Jean", "Beat it", "Every Breath You Take" ou "Africa"… Un moment d’apogée de l’ère pop-rock où BOWIE figure superbement, se hissant d’une pichenette à la hauteur de ses rivaux.

Ceux qui n’aiment pas les 80s devraient comparer avec le Billboard actuel.

2. Avec Let’s Dance, BOWIE redevient BOWIE.

Oui, car après des années passées dans le bourbier art-rock, avant-gardiste ou expérimental, etc. dans lequel le néfaste ENO l’avait complaisamment plongé, BOWIE renoue avec lui-même, avec ce qu’il sait faire de mieux, ce pourquoi il est né et ce pourquoi il est monté sur scène : faire plaisir, faire faire danser et suer, composer ces terribles mélodies glam, soul, funk qui sont la quintessence de ses meilleurs albums.

C’est pour cette raison que Let’s Dance est l’un de ses meilleurs disques. Pour ses tubes faramineux, qui agacent mais ne lassent pas ("Modern Love" est absolument fantastique), mais aussi pour le reste : "Ricochet", épique, "Criminal World", la passionnante reprise de METRO (le groupe de Duncan Browne, excusez du peu !)… Et même si BOWIE chante n’importe comment ou presque sur "Without You", tout l’album est un splendide feu d’artifice. Court, nerveux, parfaitement ajusté à son époque (un grand merci à DURAN DURAN, pillé sans scrupule pour l’occasion), c’est le retour fracassant de BOWIE à l’entertainment après tant de temps passé à polir sa crédibilité artistique.

Qui aime BOWIE met des chaussures rouges et danse le blues.