AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

En 1990, Richard THOMPSON se rapproche du réalisateur australien Michael Jenkins pour son projet de film Sweet Talker. Le genre qui se fait encore beaucoup à l'époque, avec une romance, un univers placé entre le naturel écossais et le monde des affaires anglo-saxon, ainsi que des personnages excentriques. Mark KNOPFLER a déjà travaillé dans ce domaine-là, avec le réalisateur Bill Forsyth (Local Hero, Comfort and Joy).

Il est donc amusant de voir THOMPSON adopter la même démarche. Sa carrière n'a pas suivi le même cours que celle du leader de DIRE STRAITS, mais leurs sons de guitare ont quelque chose en commun dans le timbre et dans la force, même si KNOPFLER est moins inventif. Il suffit cependant d'écouter "Persuasion", avec ce chant glorieux de Stratocaster, pour les confondre l'un et l'autre, ainsi que l'étonnant "Beachport".

C'est, en outre, pour "Persuasion" toujours, le même son et les mêmes enchaînements d'accords jazzy que les bandes originales de Marko en 83-84. Danny Thompson, l'ami de Richard et contrebassiste désormais employé par tout le monde (Kate BUSH, RENAUD...), vient apporter son toucher délicat. D'autres musiciens de renom sont employés, notamment les excellents Dave Mattacks (FAIRPORT CONVENTION) et David Paton (Kate BUSH, FISH).

Peter Filleul met les claviers mieux en avant que jamais dans la musique de THOMPSON. Ils ont co-écrit ce thème "Persuasion" ensemble, mis en relation tous les deux par le producteur Taylor Hackford, et c'est le seul que Richard THOMPSON retiendra de l'expérience, jouera en concert en y mettant des paroles.

En dehors d'un ou deux autres thèmes co-écrits avec Filleul, King Richard est entièrement responsable de la composition. Cela s'entend bien pour des titres country/rock'n'roll comme "Put Your Trust in Me" et "To Hang a Dream on" (emploi rare de Pete Zorn au saxophone à cette époque) qu'il chante et qui dégagent une bonne énergie, à défaut d'être mémorables.

Comme pour KNOPFLER, il est amusant de constater que l'écriture d'un guitariste sert à alimenter des thèmes pour claviers, comme "Sweet Talker". Peter Filleul, aidé par le jazzman Ian Lynn, forme un gros ensemble de sons qui imite tour à tour l'orchestre symphonique ("Conviction") ou des instruments exotiques ("Beachport"). Autant dire que c'est très habituel pour King Richard, et pas forcément à son goût sur la longueur.

Sans doute, en dehors de "Persuasion" et des titres rock, a-t-il préféré chanter le doux "False or True", ballade crépusculaire dont il a le secret, sur fond de sax soprano et de contrebasse avec ses copains les plus proches, Zorn et Thompson. Peut-être a-t-il été habité par la nostalgie en retrouvant momentanément l'ancienne écurie FAIRPORT pour des danses instrumentales folk anglo-celtiques de haute volée, à grand renfort de mandolines. Simon Nicol, Dave Mattacks et l'accordéoniste John Kirkpatrick sont présents pour les sympathiques "Roll Up" et "The Dune Ship", tandis que Paton remplace Pegg au pied levé à la basse.

En tout cas, cette bande originale, plutôt intéressante et diversifiée, ne fait pas date. Richard THOMPSON en garde un mauvais souvenir car le producteur Taylor Hackford aurait fait re-monter le film plusieurs fois, et l'aboutissement en a été plus que laborieux. Ce qui amène notre artiste à clamer haut et fort qu'il ne travaillera plus jamais pour le cinéma, chose à-demi vraie.