En studio, les années 70 n'ont pas été très bénéfiques à Dylan. Hormis les sursauts Blood on the Tracks et Desire (mais quels sursauts!), le reste n'est pas bien brillant. Mais heureusement, si en studio la situation est morose, le Barde peut toujours compter sur ses concerts. Pour les 70's, trois lives en dix ans: Before The Flood en 1974 avec THE BAND, absolument superbe, et Hard Rain en 1976, durant le Rolling Thunder Review, tout aussi réussi.

Et, en 1979, ce Bob Dylan At Budokan, enregistré durant la tournée mondiale du bonhomme de 1978. Une tournée qu'il avouera avoir faite plus pour payer ses créanciers que pour promouvoir son dernier effort en date, le très mitigé Street-Legal, une tournée que les critiques qualifieront de « show à la Vegas ». Pourquoi ? Parce que le Zim' ne connaît pas l'expression « ne pas changer une équipe qui gagne », et au lieu de THE BAND ou de la fine équipe qu'il avait pour le Rolling Thunder Review, il s'est ce coup-ci entouré de neuf musiciens ainsi que de trois choeurs, excusez du peu ! Autant dire que tout ce beau monde prend de la place sur la scène, et encore plus sur la table de mixage.

Mais, me direz-vous, sur Hard Rain, Dylan avait huit musiciens derrière lui, et c'était aussi un beau bordel ! Oui, mais voilà, Hard Rain, c'est un bon bordel, et comme le dit très bien mon confrère Loner dans sa critique de l'album, ce qui le rendait si bon c'est ce grain de folie distillé tout au long du concert, ce qui faisait toute la différence.
Par comparaison, At Budokan semble reprendre la même formule, mais avec une track-list nettement plus imposante, composée principalement des hits de Bob DYLAN. De Street-Legal, que la tournée est pourtant censée promouvoir, on ne trouve que « Is Your Love In Vain ».

Alors, qu'est-ce qui ne va pas ? Tout simplement, Dylan joue ici avec ses chansons plutôt que de les jouer. Avec son big-band, il modifie complètement les partitions originales, transformant «Don't Think Twice » en un reggae du pauvre, s'essaie à un semblant de soul sur « Ballad of a Thin Man » et « Maggie's Farm »...Un parti-pris honorable et qui aurait pu se révéler intéressant voir même bon, mais la sauce prend rarement, et donne plutôt lieu à une sorte de melting-pot sonore faisant penser à de la musique lounge, le genre que l'on entend en arrière-fond dans les casinos (d'où le surnom qu’attribueront les critiques à la tournée, comme vu précédemment).

De tout cela, seuls « Blowin' in the Wind » , « Just Like A Woman », « All Along The Watchtower », et dans une certaine mesure les plus rock « It's Alright Ma » et « Forever Young » s'en sortent à peu près bien -et j'insiste sur le à peu près-. 5 chansons sur 100 minutes de musique, c'est peu ! Et au milieu de tout ça, le chant de Dylan surnage difficilement. Sa voix sonne par moments fatiguée et nicotinée à outrance.

On ne peut pas blâmer Bob DYLAN pour avoir voulu essayer quelque chose de différent avec ses chansons. C'est une bonne chose qu'il veuille se renouveler et proposer une autre version de ses plus grands classiques. Mais manque de pot, ses décisions artistiques tombent à l'eau, la faute à une surcharge d'instruments et un manque de direction qui aboutit à une purée sonore partant dans tous les sens. Essayer c'est bien, réussir c'est mieux, en somme.