La situation est claire : La maladie d'Amour a mené Michel SARDOU au firmament du show biz franchouillard, et le terme n'a jamais été plus judicieux ! Car l'artiste est populaire dans tous les sens du terme ! Les français lui vouent déjà un amour immodéré. Il ne lui reste qu'à confirmer sa prise de pouvoir sur la variété française. Pierre Delanoë reste aux textes et Revaux à la musique, comme il se doit pour cette cinquième livraison.

Plusieurs singles vont être les porte-étendards de cet album : nous débutons par "Le France"... là on entre dans le domaine public, c'est le cas de le dire. La vieille carcasse desséchée du bateau autrefois prénommé France a pourtant terminé son existence dans une baie indienne, oublié de tous – Près d'un million de 45 tours écoulés ! Mais oui, à l'époque, on rigolait pas avec le top 50 ! L'avantage, c'est que les ouvriers des chantiers navals se sont sentis soutenus par Michel. Va savoir ce qu'il pense au fond, à force de racoler... Classique de la chanson hexagonale.

Michel a coécrit la musique du suivant : "Je vais t'aimer" avec sa petite guitare hispanisante empruntée au concerto d'Aranjuez et cet énorme refrain que le peuple français dans son entier aura fredonné au moins une fois dans sa vie. L'artiste laisse libre cours à toute la puissance de sa voix sur ce titre. J'avoue préférer cette version à toutes celles qu'il nous fera en live ou sur les plateaux de télés. Cette originale dispense une belle émotion, il faut l'admettre... Mais quel macho !

Et on continue de racoler large. "La vieille" évoque le destin des personnes âgées par la description du quotidien d'une centenaire. Cela a le mérite de plaire aux plus âgés des fans. La mélodie est mignonne et le ton de l'artiste assez convaincant. Enfin, on n'en est plus à un scandale près, mais imaginez donc comment réagirait la jeunesse française avec "Le temps des colonies", ses "Buanas" et les "4 filles dans son lit". Parole, on se croirait dans les Tarzan des années 30 avec Weissmuller et O'Hara. Sinon, ça se laisse écouter, mais rien de transcendant ! En fait, on dirait un titre de la COMPAGNIE CREOLE.

D'autres titres ont leur part de légende. Pour moi, ce ne sont pas des chefs-d'oeuvre de musicalité mais des chansons qui ont marqué leur temps par leurs paroles scandaleuses : "Je suis pour" n'est pas une chanson pour la peine de mort, contrairement à la légende populaire. Bon, SARDOU est un réac' pas de doute, ce n'est pas pour autant que le voilà prêt à occire tout le monde. Là, il s'agit juste de l'évocation de la vengeance d'un parent. Evidemment, cette chanson sur un rythme qui doit beaucoup au funk va faire scandale en ces mid seventies où la tolérance devient un élément moteur de la société, à l'aube de l'abolition de la peine de mort. Musicalement, pas une révolution, mais les paroles sont à méditer. Sur le titre qui plagie Emile Zola "J'accuse" est une critique de la société tous azimuts. On est dans le café du commerce, et nous pourrions fort bien assister là à une discussion entre poivrots. Cela dit, certaines choses sont justes et le rythme de la chanson est bien moderne pour l'époque. En tous cas, elle fait désormais partie des classiques de SARDOU.

Pour le reste, "Rien" tente de proposer une ambiance dramatique et presque épique, mais la chanson pêche clairement par manque d'un refrain "à chanter". "Un roi barbare" oeuvre dans la même catégorie. Petit texte romantique et mélodie légère, "Je vous ai bien eu" est sympa mais ne casse pas de briques alors que "La vallée des poupées" ne présente qu'un intérêt limité. "W 454" est un texte de science-fiction sur un rythme funky avec pas mal de cuivres, mais le Michel, comme pour le rock, nous le chante façon variété et fait tonner toute la puissance de sa voix. Ah pour sûr, on n'est pas dans le smooth !

Alors certes, cet album est une pierre angulaire dans la discographie de Michel SARDOU. Les deux immenses singles sont d'indéniables classiques et plusieurs autres chansons ont fait leur part pour la postérité du chanteur, mais leurs qualités me semblent plus relever des textes que des mélodies, guère mémorables. Je vais donc rester sur un 3.5 plutôt que sur un 4, mais l'opus reste un mets de choix à découvrir.