Après deux albums en anglais, SHEILA ne pouvait pas éternellement renier qu'elle est d'abord française. Même si l'Hexagone a bien goûté ses déhanchés disco en langue de Shakespeare, il est normal de revenir un peu aux mots que tout le monde comprend dans ce que beaucoup appellent le "pays des râleurs", là où j'aime mieux dire "moins hypocrites que d'autres". C'est donc un disque en français qui sort aussitôt après le dernier avec B. DEVOTION. Deux albums la même année, c'est plutôt unique pour SHEILA ! En tout cas, celui qui nous intéresse n'a pas trop à rougir face à ses prédécesseurs. Dès l'intro en choeur et a-cappella, on pense avoir affaire, sinon à un excellent travail, du moins à un ensemble agréable.

Pilote Sur les Ondes fait preuve de qualités mais pas autant que d'autres de son époque. Le morceau-titre est l'histoire d'amour "à distance" d'une femme avec un animateur radio, qu'elle écoute tout le temps. Il y a eu quelques chansons sur ce fantasme, des films aussi, Un Frisson Dans la Nuit, le brillantissime premier film de Clint Eastwood comme réalisateur (et acteur) en 1971, pour ne citer que lui. En cette même année 1980, la voix d'Adrienne Barbeau, femme du cinéaste John Carpenter, "enlève" le spectateur dans son dernier film, The Fog, tout en sensualité. Toujours est-il qu'avec SHEILA, il n'y a pas de morts-vivants, ni de développement malsain dans la relation. Juste un beau soft-rock, mélodique, clair comme ses guitares, à la basse envoûtante.

Et juste après la sensualité, il y a le sexe avec "L'amour au téléphone", mieux ancré dans la new-wave, avec un sketch assez amusant qui fait penser à l'avènement du Minitel et aux "messageries roses". Suit un autre élément drôle avec "Louie" et d'autres types de vocaux kitschs pour agrémenter la voix de SHEILA. De piquante, la chanteuse se fait espiègle avec le portrait d'un danseur qui travaille en entrepôt la journée mais que s'arrachent les discothèques la nuit. Ces temps-ci, elle est un peu où on ne l'attend pas, à savoir un titre à la MADNESS. "One Step Beyond", tube ska indétrônable, et le saxophone rageur de Lee "Kix" Thompson en fait des émules depuis un an !

L'album s'aventure ensuite dans des tons rock lorgnant vers le hard, comme "Peur du silence" ou "Les sommets blancs de Wolfgang". Cette dernière, où il est fait mention d'une orientation "plus de ligne, plus de contact" avec la technologie et où on comprend difficilement le parallèle avec MOZART, s'immerge dans une seconde face où les textes ne sont guère convaincants, où de surcroît les arrangements ont du mal à "meubler". On se demande même comment les vocaux du début de "Psychodrame" ont pu être acceptés ! Heureusement, l'ambiance urbaine et inquiétante du morceau nous happe, on sent que SHEILA a envie de développer cet univers dans ce qu'elle chante.

"Peur du silence" baisse de régime lors des couplets, mais les refrains sont très bons, comme le texte à propos des êtres qu'on aime et qui "s'éloignent", emmurés dans leur silence. SHEILA nous émeut encore d'elle-même sur "Rocky Angel", un de ces blousons de cuir qui ont vieilli et se sont rangés mais pas au placard. Les guitares sont moins hard que new-wave ici. On y entend un bon dialogue entre le piano et la batterie sans oublier un mini-solo de synthé. Le disque se termine sur une belle note avec "Ma haute fidélité", où l'amour d'une femme est comparé à un système hi-fi ! Un des titres les plus efficaces, avec un refrain idéal pour une pop élancée.