1973 est, comme aucune autre, l'année du couple SHEILA et RINGO. Leur mariage très médiatisé tient bon six ans. Pendant que Johnny HALLYDAY et Sylvie VARTAN chantent ensemble avec succès un problème qu'ils ont en commun, nos deux intéressés leur font concurrence dans la presse people avec les "Gondoles à Venise".

Cette chanson est écrite par le trio Michaele / Lana et Paul Sebastian, ceux-là-mêmes qui cartonnent encore davantage l'année suivante en composant "Gigi l'Amoroso" pour DALIDA, des spécialistes en somme de la chose italienne taillée pour plaire aux Français ! Bon, les gondoles et Venise sont ici entre autres destinations touristiques, mentionnées juste pour la forme. SHEILA les avait déjà dédaignées en 1965 lorsqu'elle chantait son "Folklore Américain", et déjà pour rester à la maison avec son amoureux. On peut bien être romantique sur le sol français, sans que ce soit à Paris même obligatoirement, belle idée !

Toujours est-il que les voix de SHEILA et RINGO, celle de SHEILA surtout, conduisent ce slow efficacement, mignon, sans prétention, seul le succès massif faisant la différence. Les nombreuses soirées de famille ou d'amis depuis 1973 et les duos de karaoké ne diront pas le contraire. Etonnamment, des deux albums publiés par les jeunes mariés, d'une dizaine de chansons chacun, "Les Gondoles à Venise" est le seul titre où ils s'aventurent à chanter ensemble. Dans les deux cas, mis à part le 45-tours qui nous intéresse ici, une face de vinyle entière est dévolue aux chansons de SHEILA, l'autre à RINGO. C'est l'occasion de découvrir l'identité musicale de ce dernier dont on retrouve ici deux chansons de son premier 33-tours publié la même année. Sa voix fait beaucoup penser à celle de Johnny HALLYDAY. A l'oreille seule, c'en est même troublant, à la différence près que RINGO ne crie pas comme son homologue.

Les chansons de RINGO oscillent entre les guitares blues-rock à la façon des ROLLING STONES, en plus propret cependant, de "Lady Banana" et "Tu m'appartiens", la funk "Une heure, une nuit" au refrain bien calibré et la pop-country sautillante des trois autres chansons qui rappelle un autre Ringo, celui des BEATLES. Globalement, on reste dans l'univers des chansons d'amour mais avec de l'énergie, des cuivres et des choeurs féminins sensuels fort appréciables.

De son côté, SHEILA fait aussi du recyclage en mettant "Poupée de porcelaine" de son L.P précédent. La "Mélancolie" due à l'amoureux absent (paroles écrites par la romancière débutante Katherine Pancol), le "Coeur blessé" qui veut renouer après une querelle, autant de thèmes que la chanteuse a déjà portés au micro avec plus de réussite. C'est à peine si la première bénéficie de beaux chœurs et la deuxième d'une mélodie mignonnette grâce au chant angélique. La religion chrétienne et la Bible reviennent encore pour "Adam et Ève", blues-rock de variété juste destiné à être chanté et dansé, un rien facile.

Le plus bel effort, avec le tube en duo, reste "Oh ! Marie, Maria", sur le thème "tu en trouveras d'autres, mais ne me prends pas mon homme", avec une belle intensité dramatique. Cela donne peu à retenir et l'album suivant ne fait guère plus pour convaincre de s'arrêter sur cette parenthèse musicale en couple, notion déjà bien mesurée en dehors du quotidien et de la pochette.